OST du dauphin

Présentation

L’Ost du Dauphin est un groupe de reconstitution et d’animation médiévale spécialisé dans l’artillerie du XVème siècle, identique aux spectacles du Puy du Fou.

Notre association regroupe des gens motivés
et passionnés par le Moyen Age.
Nous nous efforçons par des recherches et l’étude de documents de reconstituer la vie civile et militaire du XVème siècle.
Cette démarche nous amène à remettre constamment en cause notre matériel aussi bien associatif que personnel afin de présenter un Moyen-Age le plus “authentique” possible.

Basé en Dauphiné, nous n’hésitons pas à nous déplacer dans la France entière avec nos
6 répliques de pièces d’artillerie médiévales, leurs fortifications, leurs accessoires, ainsi que notre campement complet.

Artillerie

L’Ost du Dauphin possède six répliques de pièces d’artillerie médiévales. Toutes sont reconstituées avec le plus grand soin ce qui nous permet de vous présenter leur fonctionnement, de leur mise en place à la mise à feu…

Vous pourrez admirer (cliquez sur les liens suivants) : un veuglaire, un ribaudequin, une bombarde, un pierrier à boite, un trait à poudre, un wagenburg.

Dans des règles de sécurité très strictes, nous nous efforçons de montrer une bande (unité tactique) d’artillerie du XVème siècle en pleine action.
Le XVème siècle est en effet l’époque ou l’artillerie à poudre fait “un bon en avant” en termes d’utilisation et d’efficacité.

L’Ost du Dauphin est un des rares groupes en France à utiliser une réplique fonctionnelle de bombarde et le seul à présenter un wagenburg.

Bruit et fumée sont au rendez-vous !

Le veuglaire dit “la Gueuse”.


veuglaire Poids : env. 400kg sur affut à roues.
Projectiles : boulets de 4 livres de plomb (plommées), fonte, pierre, mitraille.
Cadence : env 3-4 tirs / minute.
Personnel : 5-8 servants.

Le ribaudequin.


Poids : env. 350 kg sur affut à roues.
7 tubes tirant en rafale ou coup par coup.
Projectiles : mitraille de fer ou pierre.
Cadence : 7 tirs en 2 secondes !
Personnel : env 2-3 servants.

La bombarde dite “la Dauphine”.


Poids : env. 400kg sur affut fixe.
Projectiles : boulets de pierre de 20-22 cm de diamétre ou mitraille de petits projectiles (env. 4 cm de diam.).
Cadence : env 2-3 tirs / h.
Personnel : 2-3 servants.

Le pierrier à boite.



Poids : env. 70 kg sur affut tripode.
Arme de marine ou de défense de place.
Projectiles cal. 4.5 cm : boulets de pierre, plomb, fonte, mitraille.
Cadence : 2 tirs / min.
Personnel : 2 servants.

Le trait à poudre.


Trait à poudre, ancêtre du fusil
Poids : env. 5-10 kg.
Arme portative.
Cal. 20-25 mm.
Cadence : 1 tir / 2 min.
Personnel : 1 ou 2 servants.

Le wagenburg.

Hausbuch Wolfeeg ca 1480 Allemagne

Sommaire des rubriques


Les liens

Chronologie (1450-1499)

Porter ses “petites affaires”.

Première machine cryptographique de l’Histoire

Archéologie :

Le coin de l’artilleur :

Le coin du chirurgien :

Le coin de l’arbalestrier :

Les croyances :

Le cabinet des curiositées :

Costume :

Histoire du Dauphiné :

Chronologie

Les évènements en France pendant la seconde moitié du XVe siècle.
1450-1499 périodes dans laquelle évolue l’Ost du Dauphin

1450
1er janvier : Prise de Harfleur par Charles VII aux mains des Anglais.
5 janvier : Agnès Sorel, enceinte, rejoint le roi à l’abbaye de Jumièges. Elle meurt le 11 février.
7 janvier : Jacques d’Espinay-Durestal (° 1423- † 1482) est nommé évêque de Saint-Malo. Il le restera à peine deux mois, puisqu’il est nommé évêque de Rennes le 4 mars.
15 avril : Bataille de Formigny.
24 juin) : Le gouverneur anglais de Caen capitule devant les troupes du connétable de Richemont, du comte de Clermont et de Dunois, qui achèvent la conquête de la Normandie après la victoire de Formigny.
15 juillet : Jean L’Espervier est nommé évêque de Saint-Malo. Il le restera jusqu’à sa mort en 1486.
12 août : Cherbourg est reprise aux Anglais.
28 octobre : Une ordonnance remet les fidèles sujets du roi en possession des biens dont ils ont étés privés pendant la guerre.
Charles VII enlève Bergerac au roi d’Angleterre.
Johann Gutenberg améliore l’imprimerie par l’utilisation de caractères mobiles et imprime sur ses presses un manuel scolaire.
1451
12 juin : Signature du traité de capitulation de Bordeaux conclu entre les représentants du roi de France et ceux du roi d’Angleterre.
20 juin : Charles VII ratifie le traité de capitulation de Bordeaux.
31 juillet : Après avoir entendu le Grand Conseil, le roi Charles VII, au château de Taillebourg près de Saint-Jean-d’Angély (Charente Maritime), décide d’imputer à Jacques Cœur, soupçonné d’avoir d’avoir empoisonné Agnès Sorel, le crime de lèse-majesté, ce qui a pour conséquence l’arrestation immédiate du Grand Argentier, astreint à tenir prison fermée, et entraîne la mise sous séquestre de ses biens.
Nicolas de Cues invente la lentille concave pour traiter certains défauts de la vue.
Impression du premier livre européen avec des caractères mobiles : grammaire latine de Donatus par Gutenberg
1452
1er janvier : Le tout nouvel hôpital des Hospices de Beaune, créé à l’initiative de Nicolas Rolin, chancelier du duc de Bourgogne Philippe II le Bon, et de son épouse Guigone de Salins, accueille son premier patient.
14 juin : Une réunion générale se tient au château de Chissay, à proximité de Tours, pour faire le point sur l’affaire Jacques Cœur, savoir s’il convient de poursuivre l’instruction et de lever le secret.
Charles le Téméraire devient comte de Charolais.
1453
29 mai : Condamnation de Jacques Cœur à Lusignan. Ses biens sont mis sous séquestre, et le palais qu’il faisait construire à Bourges devient possession du roi.
16 juin : Philippe le Bon, duc de Bourgogne offre la seigneurie de Beaumont à Antoine de Croy en dédommagement de la participation financière de celui-ci à la guerre qu’il livrait aux Gantois. Malheureusement, Antoine ne put jouir de sa seigneurie qu’en 1472 car elle fut confisquée par le comte de Charolais (le futur Charles le Téméraire).
17 juillet : Bataille de Castillon : l’armée française l’emporte sur les Anglais, et met fin à la Guerre de Cent Ans (1337 - 1453).
19 octobre : les Français entrent dans Bordeaux, mettant fin à trois siècles de présence anglaise dans la ville.
Charles VII de France lève les restrictions opposées à la descente des vins du Haut Pays à Bordeaux. Devant la faillite du commerce Bordelais, la restriction est remise en vigueur le 11 avril 1454.
1454
5 juin : Elie de Tourrettes, lieutenant du sénéchal de Saintonge, est créé cinquième Président au Parlement de Paris, sans jamais avoir été Conseiller - nous dirions de nos jours au tour extérieur -, parce que l’on suppose qu’il saura se montrer compréhensif dans l’affaire « Jacques Cœur ».
30 octobre : Le futur duc de Bourgogne Charles le Téméraire, fils du duc Philippe III le Bon, épouse à Lille sa cousine Isabelle de Bourbon.
En octobre, Jacques Cœur, emprisonné depuis 1451, torturé, dépossédé de ses biens, s’évade de la prison de Poitiers avec la complicité du pape qu’il rejoint à Rome. Il meurt en 1456 à Chios en combattant les Turcs.
L’ordonnance de Montils-lès-Tours
promulguée par Charles VII oblige que l’on rédige les coutumes orales (voir aussi édit de Villers-Cotterêts).
1455
Révolte du dauphin Louis qui fuit auprès du duc de Bourgogne Philippe le Bon.
1456
24 janvier : Pose de la première pierre du château du Hâ, construit après la victoire de Castillon (1453), pout abriter une partie des troupes royales constituant la garnison de Bordeaux.
31 mai : Arrestation du duc d’Alençon accusé d’avoir sollicité le duc d’York de faire une descente dans le Cotentin et en Picardie.
7 juillet : Fin du procès de réhabilitation de Jeanne d’Arc, instuit par Estouteville et Longueuil.
Les états généraux de Languedoc tiennent séance pour la première fois à Pézenas. La ville les accueille ensuite régulièrement et devient la résidence des gouverneurs du Languedoc.
1457

1458
François II (1435-1488) devient duc de Bretagne.
28 août : Le duc d’Alençon est jugé par la cour de Paris et condamné à mort ; l’exécution de la sentence est différée par ordre royal et il est enfermé au château de Loches. Le duché d’Alençon est annexé au domaine royal.
Invention du ressort moteur, en horlogerie, permettant l’apparition des premières montres.
1459

1460
La gravure sur bois est d’usage courant pour illustrer les livres.
1461
22 juillet : Avènement de Louis XI, roi de France de 1461 à 1483.
14 août : Louis XI se fait couronner à Reims.
30 août : En retournant à Paris, Louis XI s’arrête à Saint-Denis et y fait célébrer un office à la mémoire de son père ; à cette occasion, le légat du pape lève les excommunications encourues par Charles VII pour avoir promulgué la Pragmatique Sanction de Bourges.
2 octobre : A l’occasion de son avènement Louis XI fait libérer un certain nombre de malfaiteurs dont le poète François Villon.
11 octobre : Le duc Jean II d’Alençon est réhabilité par lettres patentes de Louis XI et reprend possession de ses terres.
27 novembre : Louis XI notifie au pape l’abolition, promise au pape quand il était dauphin, de la Pragmatique Sanction.
Tristan L’Hermite et Le Dain deviennent conseillers de Louis XI.
Louis XI délivre le Berry à son frère cadet « Monsieur Charles ».
Troubles urbains à l’avènement du roi (Tricoteries d’Angers, Miquemaque de Reims).
Louis XI de France, né le 3 juillet 1423 à Bourges, mort le 30 août 1483 au Château de Plessis-lez-Tours (commune de La Riche, Indre-et-Loire), fut roi de France de 1461 à 1483, sixième roi de la branche dite de Valois de la dynastie capétienne. Ce monarque a repoussé à tel point les limites du cynisme en politique qu’il fut surnommé « l’universelle araignée ». Fils de Charles VII et de Marie d’Anjou. Durant son enfance, il fut élevé par Catherine de l’Isle-Bouchard.
1462
9 juin : Louis XI crée la poste royale.
20 décembre : Acquisition des comtés de Roussillon et de Cerdagne par Louis XI, qui vient à Bayonne et réconcilie les rois de Castille et d’Aragon
1463
7 mai : Grand incendie de Toulouse, dans la ville médiévale, qui détruisit les trois quarts de la ville et ruina plusieurs églises, couvents et autres édifices publics, propagé par un vent violent à travers les rues étroites, bordées d’habitations à pans de bois et étendit ses ravages jusqu’à l’hôtel de ville.
26 mai : Louis XI, venant de Guienne, où il avait signé la paix avec les rois de Castille, d’Aragon et de Navarre, fait son entrée à Toulouse.
Le roi Louis XI de France achète les villes de la Somme (Amiens, Corbie, Saint-Quentin…). Ouverture du port de Bordeaux aux marchands anglais.
20 juillet : Une ordonnance de Louis XI de France enjoint aux ecclésiastiques de faire une déclaration de tous leurs biens.
Louis XI défend aux marchands français de se rendre aux foires de Genève, afin de favoriser celles de Lyon.
1464
Pour se concilier l’amitié de Charles le Téméraire, Louis XI de France signe la surséance en sa faveur de tous les procès et différends concernant les limites de la France et de la Bourgogne. Il se rend à Tours où a lieu l’ouverture des États généraux (18 décembre).
19 juin : Le roi Louis XI de France crée la « poste aux lettres », une série de relais le long des grands chemins du royaume, afin de transporter le courrier royal.
Lyon obtient du roi de France l’autorisation de recevoir directement le poivre et les épices. Les routes des Alpes (Mont-Genèvre, Mont-Cenis, Petit et Grand Saint-Bernard) se développent au détriment d’Aigues-mortes et du Rhône.
1465
29 janvier : Mort de Louis Ier de Savoie. Début du règne de son fils, Amédée IX de Savoie.
10 mars : publication du « manifeste du Bien public », base de la Ligue du Bien public, révolte nobiliaire contre le roi de France Louis XI.
Les grands (Jean II de Bourbon, Charles de Berry, René d’Anjou, Jean II d’Alençon, François II de Bretagne, Albret, Jean V d’Armagnac), dirigés par Charles le Téméraire, comte de Charolais, et sous la direction nominale du frère du roi, Charles de Berry, souhaitent la mainmise sur les finances royales, sur la distribution des offices, sur l’armée, sur la personne royale (qu’on envisage de limoger) et sur son gouvernement.
16 mars : publication d’un « contre-manifeste » signé de la main du roi Louis XI.
Mars : Agitation antiroyale en Bretagne et dans le Centre.
Avril : Louis XI riposte en en occupant les points stratégiques en Berry et en Bourbonnais. La menace bretonne et bourguignonne sur Paris l’oblige à repartir vers le Nord.
16 juillet : Bataille de Montlhéry, indécise, entre Louis XI, roi de France, et les ligueurs dirigés par Charles le Téméraire. Le roi se replie sur Paris.
5 octobre : Traité de Conflans et traité de Saint-Maur-des-Fossés entre Louis XI de France et les féodaux. Le roi renonce aux villes de la Somme qu’il restitue à Charles le Téméraire. Son frère cadet Charles de Berry reçoit la Normandie en apanage.
22 décembre : Par le traité de Saint-Trond Charles le Téméraire impose ses volontés aux Liégeois révoltés. Invention du verre blanc à Murano près de Venise.
1466
Louis XI de France reprend la Normandie à son frère Charles de Berry, ce qui déclenche une nouvelle révolte féodale dirigée par Charles le Téméraire et François II de Bretagne.
Mulhouse entre dans la confédération Helvétique (1466-1798).
Installation des premiers métiers à tisser la soie à Lyon.
1467
15 juin : Charles le Téméraire devient duc de Bourgogne (fin en 1477). Il règne sur la Bourgogne, la Franche-Comté et les Pays-Bas. Il fait raser Dinant, ville liégeoise et enlève à Liège ses privilèges.
Charles de France devient duc de Normandie.
Guerre des trois ducs (Bretagne, Bourgogne et Normandie) contre Louis XI de France, qui est victorieux grâce à son armée permanente. Il utilise également pour vaincre l’argent, la guérilla, la propagande et le soutient de l’opinion.
Le connétable Jean II de Bourbon se rallie à Louis XI.
15 octobre : Par lettres patentes signées à Paris, Louis XI attribue à Gaston IV, comte de Foix, le trésor de Villandraut confisqué à Antoine de Castelnau, sire du Lau, qui avait eu le tort, en 1465, de prendre le parti des adversaires du Roi lors de la Ligue du Bien public.
1468
1er avril : Réunion des États généraux, à Tours, par Louis XI, qui obtient une condamnation de la Ligue du Bien public. Les États affirment l’inaliénabilité de la Normandie, qui appartient à la couronne. Ils agissent par loyalisme monarchique mais aussi par solidarité avec les contribuables, la création d’un apanage normand ayant signifié un manque à gagner pour le trésor.
3 juillet : mariage à Bruges de Charles le Téméraire, duc de Bourgogne, et de Marguerite d’York (1446-1503), sœur du roi Édouard IV d’Angleterre.
10 septembre : Traité d’Ancenis entre François II de Bretagne et Louis XI de France. Le duc de Bretagne s’engage à rompre ses alliances avec le duc de Bourgogne Charles et le roi d’Angleterre Édouard IV, tandis que le roi de France promet une pension de 60 000 livres à son frère Charles de France ainsi que la concession d’un apanage restant à définir.
Octobre : Louis XI encourage en sous-main les révoltes de Liège et de Gand contre Charles le Téméraire. Le prince-évêque Louis est chassé de Liège.
10-14 octobre : Louis XI de France et Charles le Téméraire ont une entrevue et signent le traité de Péronne. Cette entrevue est notamment évoquée dans le roman de Walter Scott « Quentin Durward ». Louis XI cherche à négocier avec Charles contre la Bretagne. Charles le Téméraire retient le roi de France et ne le libère qu’après qu’il ait donné la Champagne à son frère Charles de Berry et assisté à la répression de la révolte de Liège (30 octobre).
Le médecin juif Don Abiatar Aben Crescas opère de la cataracte Jean II d’Aragon.
1469
22 avril : Le conseiller Jean de La Balue est emprisonné pour trahison et sera enfermé dans une cage.
6 septembre : Louis XI se rend en Bas-Poitou pour avoir une entrevue avec son jeune frère Charles alors en armes contre lui. Les deux princes se rencontrent au passage du Braud, sur la Sèvre niortaise, et semblent se réconcilier, puisque le Poitou est donné en apanage au frère du roi, pour le dédommager de la perte de la Normandie. Charles renonce à la Normandie comme au Berry, et Louis XI lui échange la Champagne contre la Guyenne, afin de le séparer de Charles le Téméraire.
1470
Louis XI annule le traité de Péronne.
Convocation des états généraux.
A la fin de l’année, Louis XI provoque les hostilités avec Charles le Téméraire en attaquant les villes de Picardie.
Troubles urbains dans les années 1470 (remuements d’Aurillac, de Bourges, de Senlis et du Puy).
1471
1er octobre : Alliance entre Charles le Téméraire, le roi d’Angleterre Édouard IV et le roi d’Aragon contre Louis XI de France.
1472
30 mars : Mort de Amédée IX de Savoie. Son fils Philibert Ier de Savoie, qui n’a que 6 ans, devient duc avec sa mère, Yolande de France comme tutrice et régente.
A la mort de Charles de France le 24 mai(empoisonné ?), son frère Louis XI en profite pour occuper son duché de Guyenne. Charles le Téméraire y voit le prétexte à lui déclarer la guerre et envahit la Picardie. Après avoir investi plusieurs villes, il connaît des échecs devant Beauvais, défendue par Jeanne Hachette (22 juillet) puis à Rouen. Début novembre, la trêve de Senlis arrête les hostilités.
Octobre : Concordat d’Amboise avec Sixte IV. Il reconnaît au pape, pendant une partie de chaque année civile, la collation des bénéfices ecclésiastiques, mais le pontife doit prendre l’avis du roi pour l’octroi des évêchés.
Philippe de Commynes, chambellan de Charles le Téméraire, le quitte pour servir le roi Louis XI. Charles le Téméraire fait confisquer immédiatement tous ses biens. Devenu valet de chambre et homme de confiance du roi, il est chargé de plusieurs missions diplomatiques.
L’astronome Johann Müller, qui a observé à Nuremberg la comète de Halley (1456), fonde la cométographie.
1473
Charles le Téméraire annexe la Gueldre.
Jean V d’Armagnac est assassiné lors de la prise de Lectoure.
17 septembre : Traité de Perpignan entre le roi d’Aragon et Louis XI de France, qui neutralise le territoire roussillonnais.
8 novembre : Traité de Senlis : trêve entre le duc de Bretagne et Louis XI.
1474
25 juillet : Edouard IV d’Angleterre et Charles le Téméraire signent un traité en vertu duquel le roi d’Angleterre s’engage à débarquer en France avec dix mille hommes avant le 1er juin 1475.
27 juin : François II de Bretagne, comte d’Etampes, duc de Bretagne épouse à Clisson, Loire-Atlantique, Marguerite de Foix, avec laquelle il aura une fille, qui lui succèdera : la duchesse Anne de Bretagne.
Création de la Ligue de Constance entre Sigismond du Tyrol, Bâle, Strasbourg, Colmar, Sélestat et les cantons suisses contre Charles le Téméraire.
13 novembre : Bataille de Héricourt. En 1474 les Alsaciens se révoltent contre le bailli Pierre de Hagenbach qui leur a été imposé par le duc de Bourgogne, leur seigneur, et appellent au secours les Suisses, leurs alliés, qui battent les Bourguignons à Héricourt.
Le Téméraire part à la conquête de la Lorraine mais est mis en échec au siège de Neuss, en Rhénanie (1474-1475).
Louis XI de France tisse autour du bourguignon un filet diplomatique : ils se lie aux Suisses et traite avec les Anglais (1475).
Louis XI de France accorde des privilèges aux marchands étrangers venus s’installer à Bordeaux. De nombreux nouveaux chrétiens d’Espagne et du Portugal s’installent dans la ville.
1475
Charles le Téméraire part à la conquête de la Lorraine mais est mis en échec au siège de Neuss.
Révolte de l’Alsace : les Alsaciens exécutent Pierre de Hagenbach, considéré comme un tyran pour avoir servi le duc de Bourgogne.
Juillet : Édouard IV d’Angleterre, allié de la Bourgogne, débarque à Calais avec 23 000 hommes. Louis XI achète son retrait et signe le traité de Picquigny qui met définitivement fin à la Guerre de Cent Ans (29 août). Marguerite d’Anjou est libérée contre rançon.
Louis XI de France occupe la Cerdagne et le Roussillon.
14 octobre : Les Confédérés suisses déclarent la guerre au comte de Romont, allié des Bourguignons.
19 décembre : Louis de Luxembourg (comte de Saint-Pol, né en 1418) connétable de France, est décapité en place de Grève à Paris pour trahison par son beau-frère Louis XI après sa condamnation par le Parlement de Paris.
Régence de Yolande de France, sœur de Louis XI, sur l’héritier de la maison de Savoie (fin en 1478).
Frappe de l’écu d’or en France. La livre tournois équivaut à 22 g d’argent.
1476
11 janvier : René II de Lorraine est chassé de Nancy par Charles le Téméraire, duc de Bourgogne L’archevêque de Vienne entre au service de Louis XI.
1477
5 janvier : Bataille de Nancy : défaite finale et mort de Charles le Téméraire face à René II de Lorraine.
9 janvier : Louis XI envoie aux Dijonnais une lettre de condoléance.
1er février : Les troupes françaises entrent à Dijon.
Annexion par la France du duché de Bourgogne, d’Auxerre et de Mâcon et récupération des villes de la Somme.
A la mort du Téméraire, les élites bourguignonnes rallient progressivement le roi de France (comme Philippe de Commynes, Crèvecœur, Rochefort, Philippe de Savoie, Philippe de Hochberg ou Philippe de Clèves).
Louis XI occupe le duché et le comté de Bourgogne, le Boulonnais, l’Artois et la Picardie et tente de marier Marie de Bourgogne, héritière de Charles le Téméraire, au dauphin. Il encourage la révolte de Gand qui contraint Marie à signer le Grand Privilège.
Le duc de Nemours, alias « pauvre Jacques » est décapité pour sa complicité avec le comte de Saint-Pol.
Création du Parlement de Dijon.
1478
Présence de Christophe Colomb à Madère, où il épouse Philippa Perestrello, dont la famille, originaire de Plaisance, est très intéressée par les découvertes africaines.
3 juillet : Giuliano della Rovere, futur pape Jules II, est nommé évêque de Mende (Lozère, France).
1er novembre : Par la bulle Exigit sinceræ devotionis le pape concède aux Rois catholiques la création de l’Inquisition espagnole.
En Italie, Louis XI s’appuie contre la papauté sur les puissances marchandes : Florence, Milan et accessoirement Venise. Il utilise des moyens purement diplomatiques.
1479
24 juin-29 juin : Révolte populaire à Dijon. Louis XI y arrive pour recevoir le serment de ses nouveaux sujets (31 juillet).
Louis XI, qui tentait de s’emparer de l’héritage bourguignon, est battu à Guinegatte par Maximilien d’Autriche, beau-fils du Téméraire. Marie de Bourgogne conserve la Flandre.
1480
26 avril : Pillage de Rocheservière par une soixantaine de cavaliers bretons. Première représentation à Paris de la Farce de Maître Pathelin, qui marque les débuts du théâtre en France.
Léonard de Vinci décrit un parachute parfaitement fonctionnel.
1481
L’Anjou, le Maine et la Provence sont intégrées au domaine royal français à la mort de Charles II du Maine, héritier du roi René d’Anjou. Louis XI de France hérite de ses droits sur Naples.
Marseille est rattachée au royaume de France.
Tenue des grands jours ou sessions spéciale du [Parlement de Paris] en Auvergne. Le port de Marseille est en pleine expansion. Son entrée dans le royaume de France dévalorise les ports languedociens (Agde, Montpellier, Lattes).
1482
30 août : Guillaume de La Mark, surnommé le « Sanglier des Ardennes », assassine le prince-évêque de Liège, Louis de Bourbon ; c’est le début de la révolte qu’il va mener à Liège, en faveur de Louis XI. (fin en 1485).
23 décembre : Traité d’Arras : Le duché de Bourgogne et la Picardie sont cédés à Louis XI de France. Maximilien d’Autriche obtient la Franche-Comté et les Pays-Bas. Mariage du dauphin Charles et de Marguerite, fille de Maximilien, dont l’Artois et la Franche-Comté formeront la dot (annulé en 1491).
1483
30 août : Avènement de Charles VIII, l’Affable, roi de France à 13 ans (fin en 1498), fils de Louis XI et de Charlotte de Savoie, sous la régence de Pierre et Anne de Beaujeu, sœur du jeune roi, qui parachèvent l’œuvre de Louis XI (fin en 1491). Charles VIII réclame Naples comme partie de l’héritage angevin.
Les Beaujeu doivent composer avec deux cliques adverses rassemblées l’une autour de Louis d’Orléans, l’autre autour du duc de Bourbon, frère aîné de Beaujeu, et de René II de Lorraine, petit-fils du roi René d’Anjou par sa mère.
À la mort de Louis XI, les idées libérales de Philippe de Commynes et l’intérêt qu’il porte au parlementarisme anglais le conduisent à rejoindre le duc d’Orléans (futur Louis XII) dans son opposition au jeune Charles VIII. Pour avoir participé à la guerre folle contre le roi, Commynes tombe en disgrâce, est dépouillé de ses charges et des terres que lui avait octroyées Louis XI, et est emprisonné plusieurs mois en 1488. Amnistié, il doit se retirer dans sa seigneurie d’Argenton, acquise par son mariage en .
24 octobre : Charles VIII convoque les États généraux.
Charles VIII de France ou Charles VIII l’Affable, né le 30 juin 1470 au château d’Amboise, mort le 7 avril 1498 au même endroit, fils de Louis XI et de Charlotte de Savoie, fut roi de France de 1483 à 1498. Unique survivant parmi les cinq fils de Louis XI, il est le septième et dernier roi de la succession directe de la branche des Valois de la dynastie capétienne.
1484
15 janvier au 11 mars : Réunion des États généraux de Tours, après la mort de Louis XI, les parlementaires y attaquent l’absolutisme du défunt. Ils confirment cependant la force de l’autorité monarchique en France, et proposent à Anne de Beaujeu, désignée comme régente selon le souhait de son père et malgré les manœuvres de Louis II d’Orléans, une série de réformes, dont le souhait de se transformer en assemblée permanente. 30 mai : Sacre de Charles VIII à Reims.
26 juin : Le duc René d’Alençon donne des lettres de commission au bailli de la seigneurie de Cany-Caniel, pour contraindre les habitants sujets au droit de gué, à payer ce droit dont ils cherchaient à s’affranchir.
juin : sac de la juiverie d’Arles.
28 octobre : Le traité de Montargis appelle le roi Charles VIII à la succession du duc François II de Bretagne par les grands du pays.
1485
17 janvier : Dans la « Guerre Folle », Louis II d’Orléans essaie de soulever les Parisiens en sa faveur et les nobles de Bretagne se révoltent contre le roi.
3 février : Louis II d’Orléans se réfugie à Alençon.
12 mars : à Évreux, Louis II d’Orléans fait sa soumission au roi.
22 septembre : Louis II d’Orléans se soumet une nouvelle fois à Charles VIII, après le siège de Beaugency.
1486
15 mars : Alliance entre les Bretons et l’Empereur.
19 septembre : Pierre de Montfort de Laval est nommé évêque de Saint-Malo. Il le restera jusqu’à sa mort en 1493.
1487
11 janvier : Louis II d’Orléans s’enfuit une nouvelle fois en Bretagne.
Février-mars : Anne de Beaujeu et Charles VIII mènent une campagne dans le Sud-ouest et soumettent la zone de Sainte à Bordeaux et de Bayonne à Parthenay. Le comte rebelle d’Angoulême épouse Louise de Savoie.
29 avril : Bien que le parlement de Toulouse ait soutenu avec vigueur la cause de Cahors et de Montauban, un arrêt du Grand Conseil du roi rétablit les juridictions secondaires de la Sénéchaussée de Quercy, qui avaient été supprimées trois ans auparavant.
15 juin-3 août : Siège de Nantes par Charles VIII.
22 juillet : Le Grand incendie de Bourges, encore appelé Grand incendie de la Madeleine, détruit le tiers de la ville et marque le début du déclin de la capitale du Berry.
1488
Mars : L’armée française prend Chateaubriand, Ancenis et Fougères.
28 juillet : Bataille de Saint-Aubin-du-Cormier, en Bretagne; fin de la Guerre folle. La victoire des troupes françaises d’Anne de Beaujeu et de Louis II de la Trémoille sur l’armée bretonne met un terme à l’indépendance du duché. Louis II d’Orléans est fait prisonnier par les Français (fin en juin 1491). La bataille fait sept mille morts, dont un cinquième côté de l’armée royale.
Août : Capitulation sans combat de Dinan (7 août) et de Saint-Malo (9 août).
18 août : Traité de Sablé sur Sarthe (traité du Verger) : Saint-Malo, Fougères, Dinan et Saint-Aubin-du-Cormier passent à la France. François II s’engage à ne marier ses filles qu’avec le consentement royal. À sa mort (9 septembre), Anne de Bretagne lui succède.
Guillaume Briçonnet devient conseillé de la régente Anne de Beaujeu.
1489
Janvier : Reprise de la guerre entre Français et Bretons.
1490
L’ordonnance de Moulins, par Charles VIII, oblige à ce que les langues vulgaires et maternelles, et non le latin, soient utilisées dans les interrogatoires et procès verbaux en France (voir aussi édit de Villers-Cotterêts).
Philippe de Commynes revient à la cour et met ses talents de diplomate au service de Charles VIII. Il l’accompagne en Italie et en Allemagne, puis abandonne ses activités diplomatique et politiques pour finir la rédaction de ses Mémoires.
6 décembre : Mariage par procuration d’Anne de Bretagne, âgée de 14 ans, et de Maximilien d’Autriche. Les troupes royales françaises occupent alors le duché à l’exception de Rennes, où s’est réfugié Anne de Bretagne. Le mariage est annulé après la prise de Rennes par les Français en 1491.
1491
Majorité de Charles VIII au printemps.
21 juin : Le prêtre Jean Langlois est brûlé à Paris pour avoir piétiné des hosties à Notre-Dame.
27 juin : Louis II d’Orléans est libéré après trois ans d’emprisonnement par le roi Charles VIII, sans en informer sa sœur Anne de Bourbon (ex-Beaujeu). Les deux hommes se réconcilient.
Prise de Rennes par les Français. Annulation du mariage de Maximilien d’Autriche et d’Anne de Bretagne.
6 décembre : Mariage, à Langeais (Indre-et-Loire), du roi Charles VIII de France avec la duchesse Anne de Bretagne. La Bretagne est temporairement rattachée à la France.
1492
17 avril : Signature des capitulations de Santa Fe permettant à Christophe Colomb de traverser l’océan Atlantique.
12 août/8 septembre : Christophe Colomb atteint les Canaries.
Arrivée de Christophe Colomb, parti de Palos le 3 août en compagnie des frères Martin et Vincent Pinzón à bord de la Pinta, de la Niña et de la Santa María. Le 12 octobre, ils atteignent l’île de Guanahani (Bahamas), baptisée San Salvador, puis les grandes Antilles, Cuba (28 octobre) et Haïti qu’ils appellent Juana et Espanola. À Haïti, ils laissent une garnison de 39 hommes au fort de Navidad construit le 25 décembre avec les débris de la Santa Maria échouée, avec pour mission de découvrir et d’entreposer l’or. Paix d’Etaples entre Charles VIII et Henri VII d’Angleterre. La France achète pour 745 000 écus la non-intervention de Londres en Bretagne.
Union personnelle de la Bretagne à la France par le mariage d’Anne avec Charles VIII. L’union perpétuelle n’interviendra qu’après la mort de la duchesse Claude, épouse du roi François Ier.
26 juin : Ascension du Mont Aiguille par Antoine de Ville (ingénieur de l’armée) sur ordre de Charles VIII. Cet “exploit” est parfois considéré comme l’acte de naissance de l’alpinisme.

1493
19 janvier : Traité de Barcelone entre Charles VIII et les rois Catholiques. Charles VIII cède la Cerdagne et le Roussillon à l’Aragon.
23 mai : Traité de Senlis entre Charles VIII et Maximilien d’Autriche : les Habsbourg récupèrent l’Artois, la Franche-Comté et le Charolais. Maximilien renonce à ses ambitions bretonnes.
Charles VIII obtient par ces deux traités la neutralité de Maximilien d’Autriche et de Ferdinand d’Aragon avant sa campagne en Italie.
11 décembre : Édit organisant les maîtres des requêtes de l’Hôtel, utilisés pour contrôler les actes des administrateurs, des juges et de financiers.
Décor à l’italienne de la Renaissance en Normandie.
À Rouen, construction de l’hôtel de Bourgtheroulde. Christophe Colomb introduit à Hispaniola le froment, le melon, la vigne et la canne à sucre. L’exploitation de l’or des rivières se développe : Colomb autorise le travail forcé des indigènes
1494
mars : Résolution adoptée par les Conseillers de Rouen en vue de construire une grande salle où les marchands de la ville pourront se réunir, première étape de la construction de l’actuel Palais de justice.
23 juin : « Horrible tremblement de terre », qui bouleverse les vallées de Roquebillière et de Lantosque, près de Nice.
2 septembre : Charles VIII, roi de France envahit l’Italie. Début des guerres d’Italie (fin en 1559).
Septembre : La flotte française dirigée par Louis d’Orléans et d’Urfé débarque à Rapallo près de Gênes avec le soutient de l’artillerie de marine.
L’arrivée de l’armée française ravive les rivalités entre États apaisées depuis 1454.
Un soulèvement populaire entraîne la chute des Médicis à Florence. La République est restaurée.
Octobre : Charles VIII arrive en Milanais. Ludovico Sforza, il Moro, devient duc de Milan (fin en 1500). Hostile à la maison d’Aragon, il fait appel à Charles VIII de France.
Novembre : Charles VIII entre en Toscane avec avec 10 000 hommes.
A Pise, Charles VIII confirme le parti des libertés citadines (fin en 1509).
22 novembre : Entrée des Français à Florence. Charles VIII rencontre Savonarole à Florence, d’où les Médicis viennent d’être chassés, et veille avec lui Pic de la Mirandole.
Le port de Gênes gèle à Noël.
31 décembre : Entrée des Français à Rome. Charles VIII rend hommage à la dignité pontificale mais impose au pape Alexandre Borgia la livraison d’otages, dont César Borgia.
1495
Février : Hiver très doux dans le Sud de la France.
Massacre des Juifs à Manosque, orchestré par les frères prêcheurs dans leur prédication de la Passion. Les consuls de la ville ferment les yeux devant les descentes populaires dans la juiverie.
28 janvier : L’armée française quitte Rome.
22 février : Entrée des Français à Naples sans difficultés avec l’aide de Ludovic Sforza et de la Florence de Savonarole.
31 mars : Constitution de la Ligue de Venise, ligue anti-française qui regroupe Venise, Milan, Maximilien d’Autriche, Ferdinand II d’Aragon et le pape. Elle tente de bloquer les troupes françaises dans le royaume de Naples.
Charles VIII, de retour d’Italie, ramènent en France une équipe d’artisans et d’artistes à Amboise.
1496
Capitulation de la garnison française de Naples (Gilbert de Montpensier), encerclée à Atella par Gonzalve de Cordoue.
La première description du plant de tabac apparaît en Europe.
Établissement d’un port de guerre à Toulon.
1497
Création du Grand Conseil à la tête de la hiérarchie judiciaire (1497-1498).
1498
30 mai : Départ de Sanlúcar de Barrameda avec six caravelles. 7 avril : Début du règne de Louis XII de France. Georges d’Amboise devient Premier ministre effectif (fin en 1510). Il dirige les affaires étrangères et les Cultes, tandis que Pierre de Rohan, maréchal de Gié, se charge de l’Intérieur et de la Guerre jusqu’en 1503.
Louis XII organise définitivement le Grand Conseil, sorte de tribunal d’appel, d’évocation ou de cassation, établi à l’échelle nationale.
27 mai : Sacre de Louis XII, dit « le Père du Peuple », roi de France (fin du règne en 1515).
Juin : les comtés de Provence et de Forcalquier sont rattachés au domaine royal français.
29 juillet : Bref du pape Alexandre VI énonçant les divers motifs de nullité du mariage entre Louis XII et Jeanne de France.
10 août : Début du procès pour la dissolution du mariage de Louis XII avec Jeanne de France.
25 août : le comté de Comminges est réuni au domaine royal français.
17 décembre : Annulation du mariage de Louis XII et de Jeanne de France. Elle se retire à Bourges et y fonde l’ordre de l’Annonciade en 1501. Elle meurt en 1505.
Réunion des États généraux.

Louis XII, né le 27 juin 1462 au château de Blois, mort le 1er janvier 1515 à Paris, surnommé le Père du peuple par les États généraux de 1506, fut roi de France, de 1498 à 1515. Il était le fils de Charles d’Orléans, le prince poète, et de Marie de Clèves et l’arrière-petit fils de Charles V. Orphelin de son père à 3 ans, il est pris en tutelle par Louis XI qui fut très dur avec lui.
1499
8 janvier : Mariage à Nantes (Loire-Atlantique) du roi de France Louis XII avec la duchesse Anne de Bretagne, veuve de Charles VIII.
Louis XII reconnaît les libertés bretonnes. Il montre une rare clémence vis à vis de ses anciens adversaires, puis se lance dans l’aventure italienne, poussé par ses droits sur l’héritage des Visconti.
Ordonnance améliorant la justice et codifiant les coutumes sous l’impulsion du cardinal d’Amboise.
Création du Parlement de Rouen.
Occupation partielle de la Corse par la France (fin en 1511).

Porter ses “petites affaires”.

Au moyen-âge on se déplaçait et voyageait beaucoup.

Comment transporter un minimum d’affaires quand on ne possède pas un animal ?

Quelques exemples iconographiques (cliquez sur les images pour plus de détails) :

PORTER SUR LE DOS



Le Colporteur ou l’Enfant prodigue, J Bosh XVIe,
Museum Boymans-Van Beuningen de Rotterdam.



Triptyque du Chariot de foin (fermé), J Bosh XVIe,
Musée du Prado, Madrid.



Le portement de croix (détail), P Bruegel XVIe,
kunsthistoriches Museum, Vienne.



Le combat de carnaval et carême (détail), P Bruegel XVIe,
kunsthistoriches Museum, Vienne.



Lacuinum sanitatis d’Ibn Butlân, XVe s.
Paris, BnF, Ms. Lat. 93333 f° 85 v°



Michal Paster, St Wolfgang giving Corn to the Poor, 1481. St Wolfgang church (source, C Folini & J Howe, Companie of St George).


Châsse de Ste Ursule, avant le 21 octobre 1489, Hans Memling, Brugge.


La conversion de St Paul (détail), P Bruegel XVIe, kunsthistoriches Museum, Vienne. 

PORTER A SA CEINTURE



Le proverbe du dénicheur (détail), P Bruegel XVIe,
kunsthistoriches Museum, Vienne.



Le dénombrement de Bethléem (détail), P Bruegel XVIe, Musées Royaux des Beaux-Arts, Vienne.


Le combat de carnaval et carême (détail), P Bruegel XVIe, kunsthistoriches Museum, Vienne.



La parabole des aveugles (détail), P Bruegel XVIe, Gallerie Nazionali di Capodimonte, Naples.

Brique VS vampire

Paru le 2009-03-15 sur MaxiSciences

Oubliez les pieux en bois dans le cœur. Un crâne, défoncé par une brique violemment introduite dans la bouche, a été découvert dans un ancien cimetière où ont été ensevelies plus de 1 500 victimes de la peste noire en Italie. Selon les archéologues, cette technique était utilisée au Moyen-Âge pour détruire ceux qui passaient pour des vampires.

fouille fosse commune

C’est près de Venise, sur l’île de Lazzaretto Nuovo, que cette découverte a été réalisée.

Selon certaines croyances, la peste était transmise par des vampires femelles. “Cette idée trouve sûrement son origine dans le sang que les malades de la peste perdaient par la bouche au moment de leur mort” explique le Dr Matteo Borrini, de l’université de Florence.

Ainsi, pour empêcher ceux que l’on pensait être des morts vivants en devenir de se nourrir d’autres cadavres, les fossoyeurs enfonçaient une brique dans leur bouche, parfois avec tant de force qu’ils leur cassaient les dents.

crâne avec briqueCrâne de “vampire”

Au XIVe siècle, la peste noire a décimé près de la moitié de la population européenne en cinq ans, causant la mort d’environ 25 millions de personnes.

Chiens sacrifiés

Archéologie : des chiens sacrifiés retrouvés dans un village médiéval hongrois

Paru le 2009-04-08

Hongrie – D’après une nouvelle étude, les chiens sacrifiés trouvés dans la cité médiévale de Kana en Hongrie, permettraient d’éclaircir le mystère de coutumes païennes de cette époque.

Environ 1 300 os de vingt-cinq chiens ont récemment été déterrés dans la ville de Kana. Cette ville accidentellement découverte en 2003 lors de la construction d’un quartier résidentiel en périphérie de Budapest, s’est développée du 10e au 13e siècle.

squelettes de chiens

Les chercheurs ont trouvé dix chiens enterrés dans des fosses et quatre squelettes de chiots dans des pots enterrés à l’envers. D’après Márta Daróczi-Szabó, archéologue à l’Université Eötvös Loránd à Budapest et chef de l’étude, ces sacrifices ont probablement un rôle de protection contre le mal, contre les sorciers ou le mauvais œil. Une douzaine d’autres canidés ont été trouvés enterrés sous les fondations de maisons. Au Moyen Âge, il était d’usage en Hongrie, de sacrifier des animaux dans de nouvelles maisons. Parfois des chiens étaient battus à mort sur le pas de la porte ou des poulets étaient égorgés.

Les chiens étaient populaires pour les sacrifices à cette époque. Ils étaient vus de deux façons différentes : ils symbolisaient la loyauté, mais représentaient aussi le péché mortel de l’envie. « Il y avait une grande différence entre les chiens de chasse de la noblesse et les chiens errants de la vie de tous les jours » précise Márta Daróczi-Szabó.

Les découvertes, décrites dans le Journal of Veterinary Behaviour, montrent que les sacrifices n’étaient pas un phénomène rare. Ils étaient même pratiqués régulièrement dans les villages chrétiens. Le fait que des coutumes païennes tel le sacrifice animal aient persisté pendant des siècles au côté de l’Église est surp

Les veuglaires

Description et fiche technique d’utilisation.

Description :

Ces canons sont des copies d’après gravures et se situent dans la période 1450-1470. Ce sont des pièces « légères » ( 300 et 350 kg) et mobiles grâce à leur affût à rouages (à roues). Elles sont destinées à être utilisées en campagne ou en défense de place forte. Il s’agit de canons à rechargement par la culasse. On utilise pour cela des « boites à poudre » qui s’ajustent à l’arrière du tube

Les sources :

Veuglaire de l’Ost du Dauphin :gravure du « codex germanicus 600 »

Veuglaire de la Massenie de Saint Michel 1473 : Gravure d’Israël van Meckenen

Le tube :

Il s’agit d’une partie importante du canon. Au 15ème siècle, celui ci est le plus souvent forgé. Il possède une structure en « tonnoille » : barres de fer soudées longitudinalement et cerclées de frettes circulaires forgées et assemblées à chaud. Dans la 2ème moitié du 15ème apparaissent des tubes en bronze et en fonte de fer coulés mais dont les performances ne sont pas encore bien au point.

L’affût :

Les affûts ( ensemble des parties en bois) de ces pièces d’artillerie sont en chêne massif . Ce bois résiste bien aux contraintes auxquelles il est soumis lors des tirs : compression, vibration, écrasement, chocs, chaleur. Le tout est renforcé de pièces métalliques forgées, qui donnent encore plus de solidité à l’ensemble.

On a ici deux systèmes affûts . Ceci s’explique par le fait que ces pièces n’étaient pas fabriquées en « série » ( la standardisation des calibres et des canons viendra au 16ème siècle), mais par des forgerons et des artisans locaux. La principale différence se situe au niveau du point d’équilibre du canon.

Le veuglaire de l’Ost du Dauphin possède un axe de rotation des deux parties de affût en avant de l’essieux, ce qui a pour conséquence de reporter la majorité du poids au niveau de la hausse, cependant, il possède un tube court et léger, ce qui fait que l’effort nécessaire pour régler la hausse n’est pas très important

Le veuglaire de la Massenie de Saint Michel possède quand à lui un axe de rotation situé en arrière de l’essieux et un tube plus long et avancé. L’équilibre ainsi obtenu permet ainsi de régler la hausse sans développer un effort trop important.

Ces deux modèles affût sont des exemples d’« affût à pinces »(la hausse est »pincée» entre le bois) et témoignent des essais tout au long du 15ème siècle pour améliorer l’efficacité de l’artillerie. De nombreux système ont cohabité dans les armées, formant un ensemble parfois assez hétéroclite de formes d’affût ( il existe aussi d’autres modèles affût de conception différentes mais gardant les mêmes principes de base)

Principe :

Ces pièces se chargent à l’aide de boites à poudre ; ce sont celles ci qui contiennent la poudre.

Pour recharger :

La boite est donc prête et on peut passer au chargement du canon

Munitions

Ces canons peuvent utiliser différentes munitions en fonction des circonstance

En campagne :

On utilise des boulets mais on utilise le plus souvent des « boites à mitraille ». Ce sont des enveloppes de toile fine remplie de gravillons, de plombs, de petits morceaux de fer …

Au moment du tir, l’enveloppe se déchire, laissant partir une gerbe de petits projectiles, à la façon de nos fusils de chasse actuels.

Ceux-ci ne sont pas systématiquement mortels mais occasionnent de nombreuses blessures et jouent énormément sur le moral des troupes, blessant les hommes, les chevaux… et semant la panique dans les rangs. Ces projectiles seront utilisés jusqu’aux campagnes napoléoniennes.

En siège :

On utilise des boulets. D’abord en pierre, puis en plomb et enfin dans le 3ème quart du 15ème siècle, en fonte de fer

L’avantage de la pierre tient à sont coût de fabrication, très bas, et à l’omniprésence de la matière première. Le problème est que lors du choc contre un mur en pierre, le boulet peut éclater et fait peu de dégâts. Cependant , il est efficace contre des portes ou des hourds

Le plomb coûte très cher mais il est facile de fabriquer de boulets sommaires en coulant du plomb dans un trou creusé dans le sol. L’impact sur les murs est plus important mais la malléabilité du plomb empêche une pénétration profonde.

La fonte de fer, au début du 15ème, très chère, les techniques d’extractions du fer ayant progressées, son prix est devenu abordable pour la fabrication de boulets vers la fin du 15ème

siècle. L’avantage de ce boulet tient à sa solidité ; il pénètre profondément les murailles et les défenses de places fortes occasionnant de lourds dégâts.

Les différents types de projectiles ci-dessus cités ont été souvent employés en même temps, en fonction des approvisionnements.

En défense de place forte :

Placés aux endroits stratégiques (tours, plates-formes, canonnières), ils peuvent couvrir une large zone autour d’un château et s’opposer à l’approche d’hommes ou d’engins de siège

Mobilité, protection

Grâce à leur poids modeste, on peut facilement déplacer et effectuer des réglages sur ces pièces. On peut sur terrain plat les déplacer à 2 et même courir en étant 4. Ceci est important en cas de revers de fortune lors d’un affrontement ; il faut essayer à tout prix de sauver l’artillerie, non seulement à cause de son prix , mais aussi car elle peut être retournée contre son propriétaire.

En siège, souvent on protège les hommes et le canons derrière de grands mantels de bois basculants , qui peuvent arrêter flèches et carreaux d’arbalète. Il sont par contre bien moins efficaces contre les projectiles de pièces d’artillerie comme en témoigne le récit de la mort de Jacques de Lalain : « … il descendit de son cheval et s’en alla pour leur parler, se mettant avec eux sous le couvert de la bombarde, à l’ombre d’un pavois qui regardait la place. Il advint à cette heure qu’un canonnier, étant dans l’une des tours de la forteresse, avait affûté un pierrier pour battre le manteau de la bombarde, et , son pierrier étant chargé, il y mit le feu. La pierre alla frapper le pavois derrière lequel se tenait messire Jacques de Lalain, et là il fut frappé à la tête de l’éclat d’une pièce de bois, au dessus de l’oreille , tellement qu’il eut le coin de la tête emporté et partie de la cervelle, et il tomba à la renverse étendu par terre, sans plus remuer ni pied ni jambe. »

Exemple de mantelets :

Mantelet de l’Ost du Dauphin

Sources :

Chroniques de Froissard 15ème siecle

Chroniques de Schilling ? siège de Jérusalem par les croisés, 15ème

Avantages, inconvénients

le gros avantage du système de rechargement par la culasse est la rapidité de tir et de rechargement. Avec une équipe d’artilleurs bien formée (environ 7 personnes par pièce), on peut aisément atteindre 3 à 5 coups par minute. Chaque canon étant équipé de plusieurs boites à poudre (3 à 5 en général).

L’inconvénient majeur vient de la jonction entre la boite à poudre et le tube ; on a toujours des fuites à ce niveau et des pertes de pression, donc d’efficacité. On peut limiter les pertes de pression par l’ajout, sur le col de la culasse d’un joint rudimentaire composé de filasse de chanvre, c’est l’ »estuffage » de la culasse. Ces problèmes d’étanchéité entraîneront l’abandon de ce système au profit des canons à rechargement par la gueule.

Ou voir des veuglaires actuellement

Musée de Morat (suisse)

Château de Chillon (Suisse)

Pièces d’artillerie diverses : Musée de l’armée Paris

Fiche technique d’utilisation

Matériel nécessaire

Chargement : - maillet

- barreau pour tasser

n foin

n fil en laiton

n écouvillon poil

n écouvillon laine

n et bien sûr charges de poudre

chargement et entretien du canon

- écouvillon métallique - écouvillon poil

n refouloir

n seau

n maillet

n boutefeu

n poire à poudre

n munitions

matériels divers

n cordes de traction

n brancard pliant ou démontable

n pièces de rechange

n cales en bois

n toile de bâchage

matériel du personnel

obligatoire : gants, casques ou chapeau

recommandé : bouchons de protection pour les oreilles, briquet

Personnel requis et mission

L’utilisation d’un veuglaire en toute sécurité nécessite la constitution d’une équipe d’artilleurs bien entraînés et dont chaque membre connaisse parfaitement les différents postes et manipulations. Cette équipe peut être constituée de 4 à 8 personnes, hommes et femmes. Les différents postes sont ouverts à tous excepté pour le rechargement des culasses, qui doit être uniquement effectué par une personne habituée à manipuler la poudre noire.

Equipe idéale composée de 8 personnes :

n Chef de pièce : chargé de la sécurité des artilleurs et du public, doit veiller à ce que le public respecte les zones de tir prédéfinies, et que l’équipe d’artilleurs ne commette pas d’erreurs : ex : le boutefeu ne s’approche jamais du chargeur

n Chargeur de culasses : charge les culasses et les recharge après utilisation

n metteur en place : prend les culasses et les place sur le canon

n ajusteur : règle la hausse et le pointage du canon

n amorceur : à l’aide d’une poire à poudre, amorce les culasses

n pourvoyeur de munitions: Met en place la munition

n nettoyage du fut : après le tir, nettoie le fut

n boutefeu : met le feu à la poudre d’amorçage

Bien entendu, on peut réduire le nombre de personnes nécessaires, en fonction des animations, à étudier a l’avance.

Répartition du personnel autour du canon et déplacements

Légende :

1 : chef de pièce

2 :chargeur de culasse

3 :metteur en place

4 :ajusteur de visée

5 :amorceur

6 : pourvoyeur de munitions

7 :nettoyeur du fut

8 boutefeu

Les flèches indiquent les déplacements effectués sachant qu’il ne peut y avoir qu’un seul mouvement à la fois. Le chargeur de culasse et le chef de pièce sont immobiles sauf dans les cas suivants :

n si le chef de pièce s’aperçoit d’un défaut de procédure, d’un risque ( mauvaise manipulation) ou d’un problème dans la zone de sécurité (touriste distrait…)

n si il y a un problème lors de la mise à feu (long feu ou incident de tir), le chargeur de culasse essaye de réamorcer ladite culasse ou la neutralise.

Détail des opérations de chaque poste

-chargeur de culasse :

technique de chargement des culasses :

s’assurer que la culasse est propre( pas d’objets ou de résidus dans l’âme )

s’assurer que la lumière n’est pas bouchée (passage du fil de laiton)

mettre une à trois doses de poudre (en fonction de la zone de tir et des tolérances de l’organisation) ceci est sous la responsabilité du chargeur

mettre du foin pour remplir la culasse et tasser au maillet, répéter plusieurs fois si nécessaire

déposer la culasse sur le coté , âme en direction du canon , lumière vers le haut et sous un linge

Pour le rechargement d’une culasse en cours de séance de tir, passer au préalable les écouvillons poil puis laine

prendre les culasses sous le linge, sans les retourner ou pointer l’âme vers le public

poser la culasse à l’arrière du tube

ajuster la culasse au tube

ajuster la cale à la main puis au maillet

se retirer en arrière

régler la hausse en se servant de la goupille de réglage et soulever la queue de l’affût à l’aide de l’anneau

régler le pointage latéral en bougeant l’affût à l’aide de la poignée en bois

se retirer

Déposer de la poudre sur la lumière de la culasse et s’assurer qu’elle descend bien dans la culasse en donnant éventuellement quelques coups de maillet sur le coté de la culasse

se retirer

placer la munition à la gueule du tube et la pousser au fond en utilisant le refouloir

important : ne jamais pousser le refouloir en plaçant la paume de la main sur l’extrémité du bois, toujours le prendre latéralement et ne jamais se mettre en face de la gueule du fut

se retirer

important : ne jamais réellement mettre la munition pour des raisons évidentes de sécurité !

à l’ordre du chef de pièce et uniquement à ce moment là, s’approcher du canon et mettre le feu a la poudre sur la culasse, se retirer très rapidement

Important :

ne jamais s’approcher de l’amorceur et du chargeur de culasses avec la mèche (la planter dans le sol assez loin)

le boutefeu doit toujours avec lui une lanterne pour allumer ou rallumer la mèche lente, éventuellement un briquet (à tenir caché bien sur)

après chaque tir, nettoyer à l’aide de écouvillon poil trempé dans le seau d’eau

ceci à pour but d’éteindre toutes les particules de poudre qui pourraient être restées dans le tube et se consumer

En fin de séance, passage de l’écouvillon métallique pour enlever les résidus, puis poil pour rincer et un chiffon pour essuyer

Cas particulier du mantelet basculant : Il faut attribuer à 2 personnes la charge de le manipuler pendant les tirs. L’idéal est de disposer de 2 servants (ce qui porte l’équipe à 10 membres !), sinon le pourvoyeur et le nettoyeur peuvent le faire.

Bien sûr, il est possible d’ajuster le nombre de postes en fonction du nombre de personnes disponibles et du spectacle ; par exemple, le pourvoyeur de munitions peut aussi assurer le nettoyage du fût et le chargeur de culasse peut les mettre en place.

Pour faire ces adaptations, il faut que tous et toutes connaissent parfaitement le fonctionnement de la pièce d’artillerie et les règles de sécurité correspondantes.

Thierry Prost
« l’Engingnieur »

Ost du Dauphin - Massenie de Saint Michel 1473

La plus ancienne illustration chinoise d’un veuglaire franc (1525).

" (…) depuis l’introduction du percuteur et de la serpentine au XVe siècle, les armes européennes ont atteint de plus hauts niveaux de qualité pour, à partir du XVIe siècle, être exportées vers l’Asie orientale. Les premières armes européennes acquises par les Chinois furent le veuglaire franc qu’ils ont récupéré sur un
navire portugais en 1523 et l’arquebuse, qu’ils ont récupérée sur un bateau de pirates japonais en 1548.

Le veuglaire franc a été rebaptisé folangji, dérivé des mots persans farangi et firingi ou de l’arabe fi-ran//qui renvoient aux Européens, et l’arquebuse fut appelée niaozuichong signifiant littéralement “arme en forme de bec d’oiseau”.

représentation chinoise d’un veuglaire franc

La plus ancienne illustration chinoise d’un veuglaire franc, avec la chambre à feu démontée.
(Chouhai tubian, ça. 1525).

Source : Catalogue de l’exposition " CHINE CIEL ET TERRE, 5000 ans d’Inventions et deDécouvertes".
Musées Royaux d’Art et d’Histoire Bruxelles. 1988-1989.

Les soins du corps

SE TORCHER LE CUL (Tiré du site des Roziers )

"Si l’origine des torche-culs se perd dans la nuit des temps, on connaît malgré tout les pratiques de la plupart des peuples de l’antiquité.
Les premiers Grecs s’essuient rarement et quand il le faut, c’est avec les doigts ou avec des cailloux.Aristophane en précise le nombre:“Trois pierres peuvent suffire pour se torcher le cul si elles sont raboteuses. Polies, il en faut quatre.” Il dit aussi que les riches se servent couramment de poireaux.Mais le plus courant reste les vêtements que l’on porte(…)
L’historien Salluste au 1er siècle avant J.C nous dit qu’on ignore depuis longtemps à Rome l’usage des torche-culs,et il voit dans le retour de cet usage une preuve de dégénérescence. A la même époque, le poète satirique Catulle précise que dans la classe patricienne, il semblerait qu’on ce serve déjà de serviettes de tissu(…)
A la fin du 1er siècle,selon Martial, on adopte la laine pour cet usage, et il devient courant de la parfumer(…)
Au Moyen Âge, on note l’apparition d’un bâton courbe dont on achève le “travail” avec une poignée de foin, de feuille ou de terre(…)
Au Xeme siècle, l’emploi des torche-culs a gagné une partie de la population, notamment certains ordres monastiques. On lit dans les Annales bénédictines de 996:"Les religieux de l’ordre de St Benoit ne peuvent plus s’en passer(…).Ils vivent et voyagent avec un précieux nécessaire appelé anitergia."Torche-cul que l’on retrouve au XIem siècle dans le “nécessaire des frères” comme nous le précise Mabillon dans "la vie de Léon abbé de Nonontula.

Dans les siècles qui suivent, l’usage des torche-culs, si répandu soit-il, n’est pas le fait du plus grand nombre.Un auteur du XIIeme siecle éctit:" Nous voyons des gens élevés avec soin et versés dans les sciences et répandus dans le monde, en qui néanmoins la nature laisse encore éclater un goût décidé pour la merde. Qui ont ce goût pour la merde si puissant qu’ils ne sont jamais sans en porter un peu avec eux. Non pas, va s’en dire, dans des vases mais du moins après la chemise et dans les vêtements."

Au XIVeme siècle, le papier est rare, cher et épais et on est encore loin de s’en servir pour s’essuyer le derrière.
Un extrait des comptes de dépenses de Charles VI datant de 1398, nous fixe sur ce point délicat. On y lit qu’on a acheté pour les augustes fesses du duc de Berry “du coton et quatre livres d’étoupe”.Celle-ci, partie la plus grossière de la filasse, et ordinairement issue du chanvre ou du lin. Chacun a ses préférences mais en général, dans les demeures des riches et des grands, on penche pour le lin. C’est le cas du roi lui-même qui “n’acquiert pour son usage particulier que d’estoupes de lin”.
Le petit peuple, lui et encore pour longtemps, reste fidèle au culte de la nature qui pourvoit à ses besoins. la chose est possible, au moins durant l’été, et l’on se transmet de génération en génération des refrains qui subliment l’emploi des feuilles de marronnier comme torche-cul. Mais l’hiver comment font les pauvres gens ? Selon la formule du temps, “ils sortent souvent chemises dorées”.

Au XVeme siècle, une certaine égalité commence à naître dans le domaine du torche-cul entre nobles et roturiers fortunés.L’usage du papier se répand peu à peu partout, en partie lié à l’accroissement du nombre des clercs et des copistes. François Villon témoigne d’une estime particulière pour le papier et ne semble pas envisager que l’on puisse se servir d’autre chose."

La mumia

LA MOMIE DANS LA PHARMACOPEE OCCIDENTALE

L’usage médicinal des momies, déjà recommandé par Avicenne au XIe siècle, se serait développé autour de l’an 1300 grâce à un médecin juif d’Alexandrie appelé El-Magar. Ce dernier les prescrivait pour soigner fractures et autres blessures. L’engouement en Occident atteignit son apogée aux XVIe et XVIIe siècles. La momie se trouvait fréquemment chez les apothicaires, vendue sous forme de morceaux de chair desséchés ou d’un liquide noirâtre et poisseux. On dit que François Ier ne se déplaçait jamais sans un sachet en cuir contenant de la momie.

Toutes les substances vendues comme momie prove­naient-elles de corps embaumés au temps des pharaons ? Guy de La Fontaine, médecin du roi de Navarre, enquêta lors d’un séjour à Alexandrie en 1564. Il visita le magasin d’un grand marchand juif de momies. Ce dernier lui montra les trente ou quarante momies qu’il avait en stock. Il éclata de rire quand Guy de La Fontaine lui demanda si tous les cadavres provenaient de tombeaux anciens. Le commerçant répondit qu’il préparait lui-même ces momies à partir de cadavres et que la plus vieille avait peut-être quatre ans. Puis il se moqua des chrétiens « si friands de danger de la chair des corps morts ». Nicolas Lémery, dans son Dictionnaire universel des drogues simples, définit les différents types de momies : « Mumia, en français Mumie, est un cadavre d’homme ou de femme, ou d’enfant, qui a été embaumé et desséché. Les premières mumies ont été tirées des sépulcres des anciens Égyptiens […]. Cet embaumement était fait avec des baumes, de la résine de cèdre, du bitume de Judée, de la myrrhe, de l’aloès et plusieurs autres ingrédients aromatiques […]. On trouve quelque­fois sur les côtes de la Libye des cadavres humains qui, y ayant été poussés par les vagues de la mer, sont pénétrés de sable et desséchés, ou pour mieux dire, calcinés par la chaleur du soleil qui est excessive en ce pays-là; on en rencontre aussi dans le désert de Zaara (…] On appelle ces cadavres desséchés mumies blanches. (…] Il ne faut pas croire que la mumie commune qu’on nous apporte soit de la véritable mumie d’Égypte qui ait été tirée des sépulcres des anciens Égyptiens ; celle­là est trop rare […]. Celle que nous trouvons chez les droguistes vient des cadavres de plusieurs personnes que les Juifs ou même les chrétiens embaument après les avoir vidés de leurs entrailles et de leur cervelle […] ; ils mettent sécher au four ces corps embaumés pour les priver de toute leur humidité phlegmatique et pour y faire pénétrer les gommes afin qu’ils puissent se conserver". » Lémery conseille de choisir la momie « nette, belle, noire, luisante, d’une odeur assez forte et qui n’est point désagréable ». On obtient, par distillation chimique, beaucoup d’huile et de sel volatil. La momie est « détersive, vulnéraire, résolutive ». Elle fortifie, aide à la guérison des contusions et empêche que le sang ne se caille dans le corps. Lémery déconseille l’utilisation des momies blanches qui n’ont que peu de vertus.
Schrôder propose une autre méthode pour préparer une « momie moderne" ». Vous choisissez la carcasse d’un rouquin (leur sang est plus fin et leur chair meilleure) d’une vingtaine d’années et qui a été tué. Vous le laissez reposer à l’air pendant vingt-quatre heures. Puis vous coupez la chair en morceaux, ajoutez de la poudre de myrrhe et un peu d’aloès. Vous trempez le tout dans de l’esprit-de-vin, et laissez pendre une dizaine d’heures. Vous imbibez de nouveau d’esprit-de-vin, puis vous faites sécher à l’ombre. Annibal Barlet a concocté une préparation similaire. Excellent contre les venins, la peste, la phtisie, l’asthme et l’épilepsie.

Cannibales !
Pierre-Antoine Bernheim
Guy Stavridès
Ed. Plon

Méthode de fabrication d’une pointe de carreau

Extrait de l’ouvrage " ARMES DU DIABLE, arcs et arbalètes au moyen âge " de Valérie Serdon ed. Presses Universitaires de Rennes. 2005.

" La réalisation du carreau d’arbalète met en œuvre des techniques simples. Maïs, en réalité, bien peu de données archéologiques existent. J’ai dû m’appuyer, pour cette enquête, sur l’étude des matériaux et les principes de fabrication par l’examen direct des projectiles et établir des comparaisons avec des exemplaires mis au jour sur des sites étrangers.

LES POINTES EN FER
Une meilleure connaissance passe par l’étude archéologique, complétée par l’observation paléométallurgique et la pratique expérimentale.
A partir d’un lingot de fer, destiné à faire une ou plusieurs pointes, une extrémité est aplatie en une feuille mince, alors que l’autre partie est formée en une pointe plus ou moins élancée. Puis, la partie amincie est enroulée sur elle-même, les deux extrémités se recouvrant en forme de cornet, vraisemblablement sur un gabarit à la dimension de la hampe. La pointe est, dans une dernière phase, affûtée à la lime.
La fouille d’une habitation médiévale polonaise en 1973, à Sloszwy (province de Brodnica}, qui appartenait vraisemblablement à un fabricant de projectiles, apporte des compléments d’informations relatives à la fabrication du carreau d’arbalète en fer. L’ensemble mis au jour est composé de 784 traits, répartis entre des modèles à montures à soie et d’autres à douille (figure 54).
Les niveaux de destruction sont datés par les archéologues de 1414, période d’affrontement entre les Polonais et l’Ordre teutonique. À côté des carreaux terminés, près à être emmanchés, les
fouilleurs ont découvert des lingots de fer de 90 mm de longueur et de 10 mm de largeur, de section polygonale. Par expérimentation, les chercheurs Andrzej Kola et Gérard Wilke ont pu restituer le procédé de fabrication et en déduire que deux carreaux étaient forgés dans le même lingot1. En effet, un exemplaire de cette barre de métal découverte a été battue aux deux extrémités jusqu’à obtenir deux feuilles minces, dispositifs destinés à former la douille tout en réservant le centre de la pièce pour forger les deux pointes. Dans une troisième phase, le milieu de la pièce est scindée en deux parties, afin de terminer les pointes, et les feuilles amincies sont enroulées pour former les douilles, vraisemblablement sur un gabarit. La finition de la pointe consistait en un limage ou un meulage. Comme je l’ai souligné, la trempe n’est pas systématique. Cette pointe était parfois ajustée à chaud sur la hampe.
La forge médiévale reste mal connue et les seules données relatives à cet aspect du travail du métal proviennent de la fouille et de l’iconographie. "

Les 12 jours

1 - La fève à Dieu

En célébrant les événements néo-testamentaires entre le 25 décembre et le 6 janvier (28 décembre = Saints Innocents, 1er janvier = Sainte Circoncision) l’Eglise voulait vider de leur contenu toutes les anciennes fêtes, extrêmement populaires, liées à l’avènement de la nouvelle année au solstice d’hiver, les Saturnales notamment. A ces réjouissances présidaient les maîtres du temps gréco-romain, Chronos, Saturne et Janus dont le souvenir va se perpétuer à travers l’iconographie pendant tout le Moyen Âge et la Renaissance. Que l’année nouvelle ait pu commencer en janvier était de toute façon trop sacrifier à Janus. C’est pourquoi, dans une perspective biblique, il fut décidé dès le XIIe siècle de fixer la nouvelle année à Pâques. Puisque, dans la Genèse, Dieu avait voulu séparer les ténèbres de l’obscurité, il ne pouvait l’avoir fait qu’équitablement : l’équinoxe de printemps paraissait donc tout indiqué comme premier repère. De façon complémentaire, la mort et la résurrection du Christ inaugurent des temps nouveaux : Pâques devint donc le premier jour de l’année, une fête mobile, car depuis le concile de Nicée en 325, Pâques est fixé à compter du 21 mars en relation avec les lunaisons. Au-delà du solstice de printemps, dès que la lunea atteint le quatorzième jour de son cycle, le premier dimanche est Pâques (1). Pour tous les paysans liés à la lune au moment d’entreprendre un travail agricole, ce mode de calcul pouvait en rappeler un autre, celui du calendrier celtique qui se règle à la fois sur les lunaisons et sur l’année solaire… Douze lunaisons ne faisant environ que 354 jours, il manquait encore onze jours pour rattraper l’année solaire. Pour les humains trop “accordés à la lune”, revenait en décembre l’instant crucial du “raccord soli-lunaire”, de ces onze jours qui vont de Noël à l’Epiphanie : une période de “déphasage”, de désordre cosmique inquiétant où l’humanité se trouvait hors du temps (2). Tout devenait alors possible : la fusion des contraires, du soleil et de la lune, la sublimation du plomb en or dans la substance même de Saturne, selon le vieux rêve des alchimistes.

(1) COUDERC P., le Calendrier, Ed. P.U.F., Coll.Que Sais-Je, 1986, p. 79.
SCHMITT J.-C., op. cit., p. 478. DELORT R., Introduction aux sciences auxiliaires de l’histoire, Ed. Armand Colin, 1969, p. 111.
(2) GAIGNEBET C., LAJOUX J.-D., op. cit., p. 64.

Extrait de « Dans la sillage des sirènes « de Michel Thiebault
Ed. Casterman

2 - Les douze jours

Les douze jours - ou plutôt, comme on les désigne en Alsace, en Allemagne ou en Belgique, les “douze nuits” - s’insèrent, dans le calendrier chrétien, entre Noël et l’Épiphanie : entre le 25 décembre et le 6 janvier. Ils furent définis en 567 par le concile de Tours. Mais cette période, nichée au cœur de la nuit hivernale, alors que le monde est figé dans le froid et l’obscurité, n’est pas propre au christianisme : on en retrouve la trace aussi bien dans l’ancienne Mésopotamie qu’en Chine ou dans l’Inde védique. Ils pourraient représenter le hiatus entre le calendrier solaire, de 365 jours, et l’ancien calendrier lunaire, de 12 mois de 29 jours et demi chacun. Ils correspondraient alors au rattrapage nécessaire, à une période effectivement hors calendrier, entre deux temps, permettant, tous les ans, de retomber sur ses pieds : un passage à vide, une période de béance, un temps d’incertitude soumis à tous les dangers, un moment qui met en communication le mondes des vivants et celui des morts. Le réveillon, à minuit, n’est-il pas en certains pays un repas offert aux morts ?

Ces 12 jours échappent à la durée profane, 12 jours et 12 nuits en attendant que le temps reprenne son cours normal. Ce statut hors de l’année confère à cette période une nature divinatoire : l’an qui vient y est en germe - le kleine johr, la " petite année ", comme en dit en Alsace -, et il est possible, en examinant chacun d’eux, de prévoir ce que seront les 12 mois à venir, le temps qu’il allait faire à tel ou tel moment, ou le succès des diverses récoltes… Mais il semble qu’il s’agissait originellement moins, dans ces 12 jours, d’annoncer l’avenir, que de “créer” l’année nouvelle, de la construire, de décider ce qu’elle serait : n’était-ce point le moment où l’on programmait les actions politiques ou militaires.

Cependant il n’est pas de création, de recréation, qui ne s’exerce à partir du chaos, du retour à l’unité indifférenciée. C’est sans doute ainsi qu’il faut considérer les charivaris et toutes ces fêtes des fous qui bouleversaient alors les conventions et l’ordre social et que l’Église a choisi de condamner au XVème siècle. Déjà, dans la Rome antique, les Saturnales prônaient, du 17 au 24 décembre, l’inversion : l’esclave se faisait servir par le maître, le roi s’inclinait devant l’enfant pauvre …

Les fêtes des fous étaient autrefois coutumières et n’hésitaient pas à profaner le refuge spirituel des sanctuaires. Outre les fous, notre Moyen Âge fêtait successivement l’âne le 25 décembre (jour de Noël, où l’on honorait l’humble âne de la crèche), les sous-diacres et le petit clergé le 26 décembre (jour de la Saint-Étienne, historiquement le premier des diacres), et les enfants le 28 décembre (jour des Saint-Innocents). C’était à chaque fois l’occasion de bouleverser les préséances, de faire porter à l’animal des habits sacerdotaux, de donner raison au fou, d’introniser l’enfant, d’élire l’évêque ou le roi d’un jour qui, tel celui de la fève, régnait sans conteste. Et les plus fous furent peut-être les représentants de la Révolution qui cherchèrent à abolir ce qui persistait de ces pratiques sous le prétexte qu’il n’y avait plus de roi. Alors qu’il s’agissait pour les plus humbles, les plus démunis de passer au premier rang, et, au moins une fois l’an, et dans la plus grande licence et irrévérence, de prendre le pas sur les autorités légitimes … On élisait alors dans les églises cathédrales un évêque ou un archevêque des fous, et son élection était confirmée par toutes sortes de bouffonneries qui servaient de sacre. Cet évêque officiait pontificalement, et donnait la bénédiction au peuple, devant lequel il portait la mitre, la crosse, et même la croix archiépiscopale. Tout le clergé assistait à la messe, les uns en habit de femme, les autres vêtus en bouffons, ou masqués d’une façon grotesque et ridicule. Non contents de chanter dans le chœur des chansons licencieuses, ils mangeaient et jouaient aux dés sur l’autel, à côté du célébrant. Quand la messe était dite, ils couraient, sautaient, et dansaient dans l’église, chantant et proférant des paroles obscènes, et faisant mille postures indécentes jusqu’à se mettre presque nus ; ensuite ils se faisaient traîner par les rues dans des tombereaux pleins d’ordures, pour en jeter à la populace qui s’assemblait autour d’eux. Les plus libertins d’entre les séculiers se mêlaient parmi le clergé pour jouer aussi quelque personnage de fou en habit ecclésiastique …

Et la Faculté de Théologie de Paris, en 1444, pouvait justifier ces manifestations : Nous ne fêtons par sérieusement, mais par pure plaisanterie, pour nous divertir selon la tradition, pour qu’au moins une fois par an nous nous abandonnions à la folie, à la folie qui est notre seconde nature et qui semble être innée en nous … Les tonneaux de vin éclateraient si on n’ouvrait pas de temps en temps la bonde pour les aérer. C’est pourquoi nous nous livrons à des bouffonneries pendant quelques jours pour pouvoir ensuite nous consacrer au service de Dieu avec une ferveur d’autant plus grande.

Certains ont pu voir là l’irruption des hommes-animaux, de la horde sauvage, telle qu’elle sévissait avant que ne soit instaurée la Loi, une façon de retourner à la barbarie des temps premiers. Et le temps de Noël était aussi un moment qui voyait la Chasse Hennequin se déchaînait dans le ciel. C’était une façon également de glorifier la spontanéité, l’innocence de ces êtres simples qui se situent avant le péché, ou avant l’âge de raison et qui ne se sont pas encore soucié d’évoluer et de composer avec les exigences de la société.

On peut noter une réplique de ces Douze Jours à l’opposé du calendrier, avec les six jours qui courent de la Saint-Jean d’été à la Saint-Pierre, où l’on pouvait présager le temps qu’il allait faire dans les six derniers mois de l’année.

Bibliographie
. Arnold van GENNEP, Manuel de folklore français contemporain, Paris, A. et J. Picard, 1958 (tome I) - Rééd. 1988 - Le Folklore français, Robert Laffont, coll. Bouquins, 1999 (tome III)
. Jacques LE GOFF, J.C. SCHMITT, Le charivari, Paris, Éditions de l’EMESS, 1991
. Jacques HEERS, Fêtes des fous et carnavals, Paris, Fayard, 1983 - Hachette / Pluriel, 1997
. Bernard SERGENT, “Histoire ancienne des Douze Jours”, Bulletin de la Société de Mythologie Française, n° 196 (3ème trimestre 1999)

Des ovnis au Moyen-Age !?

Des ovnis au Moyen-Age et à la Renaissance ?

Attention ces données proviennent du site LES OVNIS VUS DE PRES. Elles ont le mérite d’exister à chacun de vérifier la fiabilitée des sources citées ainsi que des gravures d’époque (cf. plus bas).

Apostille (2009) concernant les gravures :

Les gravures sont issues d’un ouvrage le Wickiana de Johann Jakob Wick de Zürich (1522-1588). C’est la compilation effectuée entre 1560 et 1587 de 24 documents. C’est ouvrages est une importante source de renseignements concernant la Reforme en Suisse. Elles abondent en représentations d’exécutions, tortures, représentations de Sabbat et autres phénomènes mystiques. L’ouvrage est actuellement à la bibliothèque centrale de Zurich.

Le web enlumineur

" Au moyen age, du fait du grand nombre d’observations d’objets volants forcément non identifiés à cette époque, des lois furent écrites pour imposer des amendes à quiconque voyagerait en vaisseau aérien ". (Sources nc ) .

Cette citation ferait référence à une phrase (en latin) d’un capitulaire de Charlemagne. Il semble y avoir autant de traduction possible (et différentes) que de latiniste. ;-)

Petite liste d’observations bizarres du M-A à la Renaissance :

MOYEN AGE :

776, CHRONIQUE DE WILLIAM DRAKE:
“Ceux qui regardaient au dehors à cet endroit, dont la plupart sont encore en vie, virent cequ’ils décrivirent comme des sortes de grands boucliers, de couleur rouge qui se déplaçaient au dessus de l’église, et quand les payens qui étaient dehors virent ce signe, ils furent aussitôt pris de terreur en de confusion et s’enfuirent du chateau.”

810, CHARLEMAGNES:
Saint Grégoire de Tours, une historien, écrivit de Charlemagnes :
“Alcuin, lesecrétaire et biographe de Charlemagnes, et auteur de “Vita Karoli”, déclare au chapitre 32 de son ouvrage qu’en 810 alors qu’il se rendait à Aix, il vit une grande sphère descendre comme un éclair dans le ciel de l’Est vers l’Ouest. C’était si brillant que le cheval du monarque rua et que Charlemagnes se blessa sévèrement en tombant.”

1100, INDE:
Les Vimanas, des machines volantes silencieuses, sont décrits dans les textes védiques.

1235, JAPON:
Le 24 septembre au Japon, le général Yoritsume campe avec son armée. Soudain, ses sentinelles observent un curieux phénomène: de mystérieuses sources de lumière vont et viennent, tournoient au sud-ouest, décrivant des boucles, et cela jusqu’au matin. Le général Yoritsume ordonne qu’il soit procédé à un examen scientifique approfondi, et ses collaborateurs se mettent au travail. Il ne leur faut que peu de temps pour dresser leur rapport: “le phénomène est tout à fait naturel. Ce n’est que le vent qui fait remuer les étoiles.”

1239, ANGLETERRE, DE MATHIEU DE PARIS:
“Le 24 Juillet 1239 au crépuscule, mais avant l’apparition des étoiles, alors que le ciel était dégagé, clair et serein, une grande étoile apparut. Elle était comme une torche, s’élevant depuis le Sud, et, volant à ses deux côtés, il fut émit vers le ciel une très grande lumière. Il tourna alors rapidement vers le Nord dans l’air, non pas rapidement, ni en fait avec de la vitesse, mais exactement comme s’il voulait aller en haut dans l’air.”

1254, 1ER JANVIER, DE MATHIEU DE PARIS:
“A minuit dans le ciel serein avec les étoiles qui brillaient et la lune de huit jours, il apparut soudain dans le ciel une sorte de grand bateau, de forme élégante et décoré de couleurs magnifiques. Certain moines de Saint Alban le virent longtemps, et c’était comme s’il était peint de magnifiques couleurs comme un bateau fait de planches, mais finalement il se mit à disparaître.”

1290, BYLAN, YORKSHIRE DU NORD, CHRONIQUES DE WILLIAM DE NEWBURGHS:
“Alors que l’Abbé et les moines étaient au réfectoire, un objet rond, plat et argenté vola au-dessus de l’Abbaye en causant une grande frayeur.”

Le texte est connu sous la dénomination “The Ampleforth Manuscript”, il s’agit d’un manuscrit d’époque qui raconte avec des détails impressionants le survol de Byland Abbey dans le Yorkshire par une soucoupe volante, devant les moines médusés, en 1290.

1332, UXBRIDGE, 4 NOVEMBRE, PAR ROBERT DE READING:
“Dans les premières heures de la nuit, on vit dans le ciel au dessus d’Uxbridge en Angleterre, un pilier de feu de la taille d’un petit bateau, pâle, de couleur livide. Il s’éleva depuis le Sud, traversa le ciel en un mouvement lent et grave, et partit au Nord. Au devant du pilier, une flamme ardente et rouge jaillisait avec de grands rayons de lumière. Sa vitesse augmenta et il vola à travers l’air.”

1492, 11 OCTOBRE 22:00:
On apprends dans “la Vie et les Voyages de Christophe Colomb”: Christopher Columbus et Pedro Gutierrez, sur le pont de la Santa Maria, observèrent “une lumière brillante à une grande distance”. Elle disparaissait et réapparaissait dans la nuit, se déplaçant de haut en bas, “dans des rayons soudains et intermittents”. Elle fut vue quatre heures avant que la terre Américaine ne fut vue, et Colomb l’avait interprêté comme une signe qui annonçaient que la terre était proche.

RENAISSANCE :

1528, SIEGE D’UTRECHT, HOLLANDE:
Une vision “étrange et cruelle” vint dans le ciel, qui terrifia les habitants et donna à l’ennemi à penser qu’il allait emporter la ville. Cela avait la forme d’une croix bourguignonne juste au dessus de la ville, haut dans le ciel, de couleur jaune, et “effrayante au regard”.

1554, 10 MARS, FRANCE:
Il apparut entre 18 et 20 heure, près de la Lune, un feu brûlant, émettant un grand bruit, de ce qui semblait être la point d’une lance, tournant deci delà, de l’Est à l’Ouest, en jetant des flammes de tout côtés.

1561, NUREMBERG, ALLEMAGNE:
Une bataille aérienne entre ovnis à lieu est une gravure en témoigne (cf. plus bas).

1566, BALE, SUISSE:
Un grand nombre d’ovnis circulaire est comtemplé par les habitants médusés. Une gravure en témoigne (cf. plus bas).

1643, 11 MARS, ANGLETERRE, PAR LE CHRONIQUER JOHN EVELYN:
“Je ne dois pas oublier ce qui nous a éberlué la nuit précédente, un nuage brillant dans les airs, dune forme ressemblant à celle d’un sabre, la pointe dirigée vers le Nord. C’était aussi clair que la Lune, le reste du ciel étant serein. Cela a commencé à 23:00 dans la nuit et n’a pas disparu avant une heure du matin, et cela fut fut par tous dans le Sud de l’Angleterre.”

1697, HAMBOURG, ALLEMAGNE:
Observation illustrée de deux “roues lumineuses”.

Une observation datant de 1561:
Entre 1561 et 1566, les habitants de Nuremberg en Allemagne et Bâle en Suisse furent témoins de phénomènes extraordinaires dans le ciel: de véritables ballets aériens de sphères, disques, tubes engagées dans des ballets voire des batailles avec crash à la clé.
Voici une gravure d’une bataille aérienne entre ovnis au dessus des cieux de Nuremberg en Allemagne le 4 Avril 1561. Certains vaisseaux se sont écrasés. En raison des croyances religieuses des artistes médiévaux, les fuselages et ailes deviennent des croix et les fusées des tubes emplis de sphères.

Gravure de la collection Wickiana

(Gravure de la collection Wickiana, Zurich)

Vous noterez qu’il semble que deux personnages sont témoins du crash d’au moins un des objets volants.

Le 4 avril à l’aube, dans le ciel de Nuremberg (Allemagne), beaucoup d’hommes et de femmes voient se produire un très effrayant spectacle où interviennent divers objets, dont des boules: “environ 3 dans la longueur, de temps en temps, quatre dans un carré, beaucoup restaient isolées, et entre ces boules, on vit nombre de croix couleur de sang. Puis on vit deux grand tuyaux, dans lesquels petits et grands tuyaux, se trouvaient 3 boules, également quatre ou plus. Tous ces éléments commencèrent à lutter les uns contre les autres.” (Gazette de la ville de Nuremberg).

L’événement dure 1 h et connaît un tel retentissement qu’un artiste, Hans Glaser, en exécute une gravure à l’époque. On décrit deux immenses cylindres noirs lançant de nombreuses sphères bleues, noires et rouge sang, des croix rouge sang et des disques. Ils semblent se livrer bataille dans le ciel. A en juger par la gravure de Glaser, certaines de ces sphères se seraient écrasées au sol, à l’extérieur de la ville.

REFERENCES:
Voir aussi Bâle 1566.

Ces observations ont été mentionnées dans:

“Ein moderner Mythus Von Dingen, die am Himmel gesehen werden”
“A modern myth: things seen in the skies”
“Un mythe moderne: les objets vus dans le ciel”

Carl Gustav Jung
Zürich, Stuttgart
Rascher Verlag 1958.

Une observation illustrée datant de 1566:
Entre 1561 et 1566, les habitants de Nuremberg en Allemagne et Bâle en Suisse furent témoins de phénomènes extraordinaires dans le ciel: de véritables ballets aériens de sphères, disques, tubes engagés dans des ballets voire des batailles sont décrits.

1561 et 1566, les habitants de Nuremberg en Allemagne et Bâle en Suisse furent témoins de phénomènes extraordinaires dans le ciel

1561 et 1566, les habitants de Nuremberg en Allemagne et Bâle en Suisse furent témoins de phénomènes extraordinaires dans le ciel

Photo © Yves Bosson / Agence Martienne http://www.agence-martienne.fr/
(Gravure de la collection Wickiana, Zurich)

Le 7 août, à l’aube, de nombreux citoyens de Bâle (Suisse), effarés, peuvent voir pendant plusieurs heures des sphères noires se livrant à une formidable bataille aérienne, envahissant le ciel de leur cité: “à l’heure du lever du soleil, on a vu dans l’air beaucoup de grosses boules noires qui se dirigeaient à grande vitesse vers le soleil, puis qui firent demi-tour, s’entrechoquant les unes les autres comme si elles menaient un combat, un grand nombre d’entre elles devinrent rouges et ignées, par la suite elles se consumèrent et s’éteignirent” écrivit Samuel Coccius, l’étudiant en “écritures sacrées et en arts libéraux” qui consigna les étranges événements dans la gazette de la ville.

REFERENCES:
Voir aussi Nurnberg 1561.

Ces observations ont été mentionnées dans:

“Ein moderner Mythus Von Dingen, die am Himmel gesehen werden”
“A modern myth: things seen in the skies”

Carl Gustav Jung
Zürich, Stuttgart
Rascher Verlag 1958.

Observation à Hambourg, 1697

Observation à Hambourg, 1697

Cette illustration montre l’observation de deux objets (?) au-dessus de Hambourg, en Allemagne, le 4 Novembre 1697. Les objets ont été décrits comme “deux roues lumineuses”.

Le code voynich

Traité d’astrologie, d’alchimie, de cosmologie, de botanique ? Traité sur un élixir de vie ? R écit d’une ancienne guerre oubliée ? Manuel liturgique cathare ? Théorèmes mathématiques d’un moine franciscain de génie ?

Nul ne sait. En quelle langue est-il rédigé ? Nul ne sait non plus : tout juste si, dans cette écriture cursive, on peut reconnaître des chiffres, des lettres latines, parsemées de caractères grecs et hébreux, le tout parfois tracé à l’envers, soit de droite à gauche, soit de haut en bas, selon une technique de cryptographie jusqu’ici inviolée.

détail de l’écriture

Bref, le « Manuscrit Voynich » demeure impénétrable. Illisible et d’une étrange beauté, avec ses grandes et nombreuses illustrations en couleur représentant des plantes inconnues, des figures astrales et zodiacales, des fontaines de jouvence.

plante

Astrologie

Avec partout des ribambelles de petites femmes nues joliment potelées, qui ont parfois la fantaisie de s’accrocher à d’insolites organes sexuels végétaux.

femmes

Nous savons peu de chose de cet étrange manuscrit. Après une brève apparition attestée à la fin du XVIe siècle, l’ouvrage avait disparu. II ne fut redécouvert qu’en 1912 par Wilfrid Voynich, une sorte de pharmacien bou­quiniste pas très clair lui non plus, qui le déni­cha en Italie, dans un couvent dont les bons pères jésuites avaient besoin d’argent pour réparer leur toiture. Dans le lot des manuscrits proposés, Voynich fut aussitôt séduit par celui auquel il devait laisser son nom : « Comparé aux autres, richement décorés d’or, il ressemblait tellement à un vilain petit canard que mon intérêt s’éveilla aussitôt ». Parmi les livres d’heures habituels, le bouquiniste avait flairé la bonne affaire. Jusqu’à sa mort, en 1930, il devait étudier son acquisition, avec la conviction que le manuscrit avait été rédigé de la main même de l’illustre philosophe anglais Roger Bacon. Ce qui obligeait à le dater du XIII’ siè­cle, et lui conférait une formidable plus-value sur le marché biblio­philique : Voynich n’entendait pas s’en défaire à moins de 160 000 dollars. Sur ce plan, c’est raté, son ancienne secrétaire ayant fini par le vendre à un marchand de livre new-yorkais pour 24 500 dollars.

Aujourd’hui on estime que l’ouvrage date plutôt du début du XVIe, le style de son écriture (inconnue) ainsi que la fantaisie de ses illustrations paraissant peu compatibles avec l’époque gothique : exit donc la main de Roger Bacon. Mais il a été étudié sous toutes les coutures par de nombreux spécialistes, civils et militaires, de la cryptographie. Nul n’a encore réussi à cas­ser son code !

Nb : le manuscrit est conservé à la Beinecke Rare Book and Manuscript Library de l’université de Yale aux Etats-Unis.

Le Code Voynich
Présentation Pierre Barthélémy
Ed. Jean-Claude Gawsewitch

Pour en savoir plus : www.voynich.nu (en Anglais).

Cannibalisme

La pratique du cannibalisme au Moyen-Âge

Extrait de l’ouvrage “Cannibales !” de Pierre-Antoine Bernheim et Guy Stavridès paru aux Ed. Plon en 1992

Pour les sources se ref; à la bibliographie de l’ouvrage.

793, quelque part en France. Les annales mosellanes évoquent le pire" : « La famine qui commença l’année précédente s’accrut tellement en raison de nos péchés qu’elle poussa les hommes non seulement à se nourrir de choses immondes, mais à manger d’autres hommes. » Évidemment, cela paraît mou à côté des féeries de la dynastie T’ang.
Si la ration individuelle s’améliore sous la période carolin­gienne", quelques famines, rares mais rudes, entachent le paysage. En 868, notamment. « Ainsi à Sens, on a trouvé en un j our cinquante-six hommes morts. A la même époque et dans le même bourg, on a aussi trouvé des hommes et des femmes qui, horreur ! ont tué et mangé d’autres hommes. Et à Pont-sur-Siron [Aquitaine], quelqu’un a enlevé une honnête femme dans un hospice, l’a tuée, découpée en morceaux, salée, et l’a fait cuire pour la manger en famille », avouent les annales de Sainte-Colombe de Sens". Celles d’Angoulême enchaînent" : « Des hommes, en multitude infinie, furent tués par leurs semblables et dévorés à la manière des bêtes. » Même à Xanten (Prusse rhénane), on se tient au courant" : « Une faim très aiguë s’ensuivit dans beaucoup de provinces, surtout en Bourgo­gne et en Gaule, où beaucoup d’hommes moururent de mort cruelle, de telle sorte que des hommes mangèrent des cadavres d’hommes. »

Cannibales

“le Livre des merveilles du monde” 1410-1412

896, cauchemar en Bavière". « Dans le pays d’Augs­bourg, malheur, famine et mortalité. Des chrétiens
mangèrent la chair. d’autrui. » Idem en Lorraine : « Il y eut une telle pénurie de blé et de tous autres aliments que, ce qui est horrible à entendre, les hommes furent poussés à manger d’autres hommes. »
Le comté d’Angoulême prend le relais vers 910. Audouin, promu comte [886], a gardé en dépôt la croix du monastère de Saint-Charroux pour la protéger des Normands. « Et, quand les ravages des Normands eurent pris fin, Audouin essaya de garder définitivement dans sa cité ce saint bois. […] Cependant, le comte Audouin fut pendant de longues années puni par une maladie de langueur; et dans son peuple la famine fit de tels progrès que, chose jamais vue jusqu’alors, les gens se poursuivaient les uns les autres pour s’entre­dévorer; et beaucoup égorgeaient leurs semblables à la manière des loups. Sous la pression de ces affreuses circonstances, Audouin, un an avant sa mort [916], fit rendre à Charroux le précieux bois par les mains de son fils Guillaume, dit Taillefer, avec une châsse d’or qu’il avait lui-même fait façonner et orner de pierres précieuses, et dans laquelle il le fit porter jusqu’au village de Loubillé ; et le fléau cessa bientôt après. »
L’Occident reprend du service vers 10053°. Saintonge et Bourgogne. « Dans toute la Gaule, dit Adémar de Chabannes, les récoltes furent mauvaises; il s’ensuivit une importante famine et, dans le peuple, nombreux furent ceux qui moururent de faim; un frère tua et mangea sa sceur en Saintonge. » Pour Raoul Glaber, moine bourguignon, « tout le monde romain » [rien de moins] tire la langue". « Alors, en maints lieux du territoire, ce ne furent plus seulement les animaux immondes et les reptiles, mais même les humains, femmes et enfants, dont la chair sous l’empire d’une faim horrible servit d’aliment; on n’était arrêté par aucune affection, même familiale. La rigueur de cette famine en était arrivée au point que les fils déjà grands dévoraient leurs mères, tandis que les mères elles-mêmes, oubliant leur tendresse, en faisaient autant de leurs petits enfants. »
1032-1033, désastre en Bourgogne. Le chroniqueur André", moine de Fleury, accuse les sauterelles en 1031 et la grêle l’année suivante. « Il en résulta aussitôt, pendant trois ans, une famine terrible, de sorte qu’on n’eut plus horreur même de la chair humaine. Les rats, les chiens et les autres animaux dégoûtants étaient regardés comme des mets délicats par les malheureux affamés. Les bouses de vache, cuites sur la cendre, passaient de même pour un mets très agréable. […] Ne les plaignons pas, il valait mieux pour eux mourir. Ils broutaient à la manière des bêtes toutes les pousses des arbustes, l’écorce même des arbres. Pour comble de malheur, les riches ménageaient leurs aliments délicats, et si, parfois, ils s’asseyaient à table avec leur doux enfant pendant à la mamelle ou avec le fils d’un de leurs parents, soudain, au milieu du repas, perdant la raison, les yeux menaçants, le visage terrible, ils étranglaient de leurs mains les jeunes innocents, et, sans écouter la voix de la nature, ils ne craignaient pas de se rassasier de cette nourriture infâme. »
A Cluny, Raoul Glaber décrit toujours le monde entier, un coin de Bourgogne. Déclinant les effets des pluies continuelles, trois ans sans semailles ni récolte". « Hélas ! O douleur ! chose rarement entendue au cours des âges, une faim enragée fit que les hommes dévorèrent de la chair humaine. Des voyageurs étaient enlevés par de plus robustes qu’eux, leurs membres découpés, cuits au feu et dévorés. Bien des gens qui se rendaient d’un lieu à un autre pour fuir la famine, et avaient trouvé en chemin l’hospitalité, furent pendant la nuit égorgés, et servirent de nourriture à ceux qui les avaient accueillis. Beaucoup, en montrant un fruit ou un oeuf à des enfants, les attiraient dans des lieux écartés, les massacraient et les dévoraient. Les corps des morts furent en bien des endroits arrachés à la terre et servirent également à apaiser la faim. Cette rage insensée prit de telles proportions que les bêtes qui restaient seules étaient moins menacées par les ~ ravisseurs que les hommes. Comme si c’était déjà devenu un usage de manger de la chair humaine, il y ~~ eut quelqu’un qui en vendit de toute cuite au marché : de Tournus, comme il eût fait de la viande de quelque animal. Arrêté, il ne nia point son crime honteux; il fut ligoté et livré aux flammes. Un autre alla de nuit déterrer cette chair qu’on avait enfouie dans le sol, la mangea et fut de même brûlé à son tour.
« Il existe une église, distante d’environ trois milles de la cité de Mâcon, située dans la forêt de Châtenet, solitaire et sans agglomération, et dédiée à saint jean; près de cette église, un homme sauvage avait installé sa cabane; tous ceux qui passaient par là ou qui se rendaient chez lui, il les égorgeait et les faisait servir à ses abominables repas. Or il arriva un jour qu’un homme vint avec sa femme lui demander l’hospitalité, et prit chez lui quelque repas. Soudain, en promenant ses regards dans tous les coins de la cabane, il aperçoit des têtes coupées d’hommes, de femmes et d’enfants. Aussitôt il pâlit, cherche à sortir; mais le néfaste occupant de la cabane s’y opposait, le faisait rester de force. Épouvanté par ce traquenard mortel, notre homme eut pourtant le dessus, et gagna en toute hâte la ville avec sa femme. En arrivant, il raconta ce qu’il avait vu au comte Otton et aux autres citoyens de la ville. On envoie sans tarder tous les hommes disponibles s’assurer de l’exactitude du fait; ils partent en hâte, trouvent le sanguinaire individu dans sa cabane avec les têtes de quarante-huit victimes, dont la chair avait déjà été engloutie dans sa gueule bestiale. Ils le conduisent à la ville, où il fut attaché à un poteau dans un grenier, puis, comme nous l’avons vu de nos yeux, livré aux flammes. »
1066. Un illustre Normand, Guillaume le Bâtard, débarque en Angleterre. Il efface le roi Harold près de Hastings, prend sa place et intensifie l’invasion. La famine guette les régions exposées aux combats. 1070, le Northumberland fait pitié à voir. Dans la région d’York, les habitants, quand il en reste, mangent « des chats, des chiens, des chevaux et de la chair humaine" ». Un Anglais mangeant du cheval, rude choc.
1085. Famine à l’italienne. La chronique de Bernold3s dit que la mortalité fut « si inouïe qu’elle ne laissa debout qu’un tiers des habitants ». L’auteur y voit le reflet d’une sentence divine. Dieu sanctionne divers trafics dans les synodes et surtout les exactions des troupes de l’empereur excommunié Henri IV d’Allema­gne. « En effet, dans presque toute l’Italie, où les excommuniés se déchaînaient particulièrement, il en résulta une telle famine que les hommes mangèrent non seulement des choses ignobles, mais encore de la chair humaine. » Diable !
1116. Loin d’être un havre de paix, l’Irlande affronte une famine printanière qui, stimulée par la peste, désole les provinces de Leinster et Munster. Ce n’est pas la première fois que des Irlandais vendent leurs enfants pour survivre. Mais là, dit-on, « les gens se mangèrent même entre eux" ». Condoléances.
1146. Fritz Curschmann cite vingt-quatre chroniques occidentales hurlant famine. L’une d’elles plaint la patrie des Lingons, le plateau de Langres et ses environs : « … à Mormandum où d’innombrables pauvres vivaient de la charité quotidienne, quelqu’un fut arrêté pour avoir tué des hommes et vendu leur chair cuite. Il fut pendu par les pauvres". »
XIIIe SIÈCLE
Égypte, octobre 1200. Le niveau des crues du Nil est loin des seize coudées satisfaisantes. Stagnant à
douze, il ne fera guère mieux pendant trois ans. Panique, exode rural, famine, peste, un million de morts, le tout décrit par un physicien résidant au Caire, Abd al-Latif 9. Des villes comme Misr ou Le Caire sont aussi dangereuses que les grands chemins. « Il n’était pas rare de surprendre des gens avec de petits enfants rôtis ou bouillis. Le commandant de la garde de la ville faisait brûler vifs ceux qui commettaient ce crime, aussi bien que ceux qui mangeaient d’un tel mets. J’ai vu moi-même un petit enfant rôti dans un panier. On l’apporta chez le prévôt, et on amena en même temps un homme et une femme qui, disait-on, étaient le père et la mère de l’enfant : le prévôt les condamna à être brûlés vifs. Au mois de ramadan, on trouva à Misr un cadavre dont on avait enlevé toute la chair pour la manger, et qui était resté les jambes liées, comme un mouton que des cuisiniers lient pour le faire cuire. […] Lorsque les pauvres commencèrent à manger de la chair humaine, l’horreur et l’étonnement que causaient des repas aussi extraordinaires étaient tels que ces crimes faisaient la matière de toutes les conversations, et que l’on ne tarissait pas à ce sujet; mais dans la suite, on s’y accoutuma tellement, et l’on conçut tant de goût pour ces mets détestables, qu’on vit les hommes en faire leur nourriture ordinaire, en manger par régal, et même en faire provision : on imagina diverses manières d’apprêter cette chair. »
Cet usage « se propagea dans les provinces, en sorte qu’il n’y eut aucune partie de l’Égypte où l’on n’en vît des exemples. Alors il ne causa plus aucune surprise; l’horreur que l’on en avait eue d’abord s’évanouit entièrement; on en parla et on en entendit parler comme d’une chose indifférente et ordinaire. Je vis un jour une femme blessée à la tête, que des hommes du peuple traînaient à travers un marché : ils l’avaient arrêtée tandis qu’elle mangeait d’un petit enfant rôti que l’on avait saisi avec elle. Les gens qui se trouvaient dans le marché ne faisaient aucune attention à ce spectacle, et allaient chacun à leurs affaires : je n’aperçus en eux aucun signe d’étonnement ou d’horreur. » Les kidnappeurs ne demandent pas de rançon. « Une jeune esclave jouait avec un enfant nouvellement sevré, qui appartenait à un riche particulier. Tandis que l’enfant était à ses côtés, une gueuse saisit l’instant où cette esclave avait les yeux détournés de dessus lui ; elle lui fendit le ventre, et se mit à en manger la chair toute crue. Bien des femmes m’ont raconté que des gens se jetaient sur elles pour leur arracher leurs enfants, et qu’elles étaient obligées d’employer tous leurs efforts pour les sauver de ces ravisseurs.
Les enfants abandonnés sont des proies rêvées, « les pauvres gens, hommes et femmes, guettaient ces malheureux enfants, les enlevaient et les mangeaient. On ne surprenait les coupables en flagrant délit que rarement, et quand ils n’étaient pas bien sur leurs gardes. C’étaient le plus ordinairement des femmes que l’on saisissait avec ces preuves de leur crime : circonstance qui, à mon avis, ne venait que de ce que les femmes ont moins de finesse que les hommes, et ne peuvent pas fuir et se dérober aux recherches avec autant de promptitude. On brûla à Misr en peu de jours trente femmes, dont il n’y eut aucune qui n’avouât avoir mangé plusieurs enfants. J’en vis amener une chez le prévôt, ayant un enfant rôti suspendu à son cou. […] Quand on avait brûlé un malheureux convaincu d’avoir mangé de la chair humaine, on trouvait son cadavre dévoré le lendemain matin : on le mangeait d’autant plus volontiers, que ses chairs étant toutes rôties, on était dispensé de les faire cuire. Cette fureur de se manger les uns les autres devint si commune parmi les pauvres, que la plupart périrent de la sorte. Quelques gens riches, d’une condition honnête, partagèrent aussi cette détestable barbarie ; et parmi eux, les uns s’y virent réduits par le besoin, les autres le firent par gourmandise et pour satisfaire leur goût. » Suit une invitation à déjeuner. Avant d’avaler sa fricassée, l’invité est pris de soupçons; « et étant allé aux lieux d’aisance, il y vit un magasin rempli
d’ossements humains et de chair fraîche. Saisi d’effroi, il se hâta de prendre la fuite ».
Abd al-Latif dénonce ensuite les faux malades qui convoquent le médecin pour le manger. Il faut se méfier aussi des épiciers. « A Atfih, on trouva chez un épicier des cruches remplies de chair humaine, recou­verte d’eau et de sel : on lui demanda pour quelle raison il en avait amassé une si grande quantité; et sa réponse fut qu’il avait appréhendé que, si la disette durait, les hommes ne devinssent trop maigres. » Les prévôts sont débordés. « On trouvait dans un seul chaudron jusqu’à deux ou trois enfants, et même plus. Un jour, on trouva un grand chaudron dans lequel cuisaient dix mains, comme on fait cuire des pieds de mouton; une autre fois, il se rencontra dans un grand chaudron la tête d’une grande personne et quelques­unes de ses extrémités, que l’on faisait cuire avec du froment. Les traits pareils à ceux-là sont sans nombre. » Une femme mange son mari putréfié. Une grand-mère digère son petit-fils. Un commerçant d’Alexandrie voit « cinq têtes d’enfants dans un même chaudron, cuites avec les épices les plus exquises ». Abd al-Latif insiste encore sur l’ampleur des dégâts : « Il n’y eut pas un seul lieu habité où l’usage de manger les hommes ne fût extrêmement commun. Syène, Kous, le Fayyoum, Mahalleh, Alexandrie, Damiette, et toutes les autres parties de l’Égypte furent témoins de ces scènes d’hor­reur. » Enfin, l’auteur conclut : « En voilà assez sur ce sujet, sur lequel, bien que je me sois beaucoup étendu, il me semble que j’aie encore été très court. »
Parfois, les famines égyptiennes laissent un écho à l’étranger. Dans une lettre datée du 3 septembre 1203, le pape Innocent III déballe la confession d’un certain Robert, capturé avec femme et fillette par les Sarra­sins’°. « La famine étant imminente, le chef sarrasin, surnommé l’Amiral, donna l’ordre à tous les prisonniers qui avaient des enfants de les tuer. Suite à cela, le pauvre homme écartelé par la faim tua et mangea sa fille. Et quand, plus tard, un nouvel ordre tomba, il tua sa propre femme. Mais quand celle-ci fut cuite et servie devant lui, il ne put se résoudre à la manger. » Le pape absout Robert contre pénitence. Trois ans de pèlerinage dans des lieux saints. Robert sera définitive­ment végétarien, ne dormira jamais deux nuits au même endroit, ne se remariera pas et fera sa prière à genoux cent fois par jour. Compris, Robert ?
territoire microscopique en Palestine. Pas d’accord, ils reviennent assiéger Damas. Gaston Wiet souligne le bon esprit des assiégés46. « On mangea les chats, les chiens, les cadavres humains, mais durant les longs mois du siège, personne ne maugréa. » Melik el-Saleh arrive à temps (!). Les Kharezmiens détalent et seront corrigés sous peu.
1212. « Il y eut une famine si sévère, particulièrement en Apulie et en Sicile, que des mères finirent par dévorer leurs enfants". » Quelque temps plus tard, un coin d’Italie (l’Ombrie ?) sera peut-être secoué. Avant de mourir (1226), François d’Assise aurait promis que des pères mangeraient bientôt leur progéniture. Thomas de Celano garantit (!) que la prophétie s’est accomplie42.
1227. Pourquoi cette date plutôt qu’une quinzaine d’autres créditées à la Chine ? Parce que Li Chu’üan et sa bande s’entre-dévorent devant de fabuleux trésors. Naturellement, la scène se passe sur une î1e43.
1233. Alerte près de Riga. « Famine très sérieuse en Livonie, si bien que les hommes se mangèrent entre eux; même les voleurs, décrochés des gibets, étaient dévorés à belles dents". »
1241. Les Mongols tombent sur la Hongrie. Après avoir, le 11 avril, pulvérisé l’armée du roi Béla IV, ils s’installent jusqu’en décembre, puis débrayent progres­sivement l’année suivante, relayés par une invasion de sauterelles. Les chroniques autrichiennes sont macabres. « Une famine horrible, inouïe, envahit la terre de Hongrie et ses victimes furent nombreuses […]. La chair humaine était vendue très cher sur les marchés45. »
1246, Syrie. Depuis la mort de Saladin (1193), ses descendants se chamaillent. Le le` octobre 1245, Melik el-Saleh arrache Damas des mains de son frère. Pour toute récompense, ses alliés kharezmiens reçoivent un
Piquons vers 1259 sur le nord-est de la Mésopotamie. Une ville fortifiée résiste aux Mongols. Mayafarkin, assiégée par une des hordes du prestigieux Houlagou. La faim cuisine les assiégés. Le cuir des chaussures et les cadavres font leur ordinaire. Ils en crèvent presque tous. Pour les Mongols, cela devient une formalité que d’enlever la place. Parmi les rares prisonniers, Melik el-Kamil, prince de Mayafarkin. Conduit devant Hou­lagou, il déguste. « On lui arracha des morceaux de chair qu’on lui enfonça dans la bouche jusqu’à ce qu’il eût expiré". »
Le Siete Partidas est un recueil de lois occidentales compilées à l’intention d’Alphonse X le Sage, roi de Castille et de Leôn (1254-1284). La loi espagnole est formelle". Assiégé « dans un château qu’il tient de son seigneur », un vassal « peut en toute impunité manger son enfant plutôt que de se rendre sans la permission dudit seigneur. » Moralité ? Se méfier des châteaux en Espagne.
1277, Autriche. Là-haut sur les montagnes, air pur et écuelles vides. « … énorme disette en Carinthie, de sorte que les hommes se mangèrent entre eux. Ils en firent autant en Styrie. »49
1282, Bohême. Le climat laisse à désirer. Depuis deux ans, gels printaniers ou trombes d’eau assassinent les récoltes. Catastrophe. « Du côté de Bragam, des gens moururent de faim. Six cent trente mille morts [! ] . Une femme avoua avoir tué plusieurs enfants et ajouta que, poussée par la faim, elle les avait mangés. Un homme raconta aussi qu’il avait tué et mangé vingt et une personnes". » Sur cette calamité, un autre chroniqueur mentionne plus sobrement une « immense famine en Bohême, où quelques paysans tuèrent et mangèrent leurs enfants" ». Un troisième dénonce ceux qui « sans pudeur et sans craindre Dieu, volèrent pendant la nuit des pendus se balançant depuis quarante jours pour les manger. En outre, cette année-là, dans la ville d’Horaz, dépendant du diocèse de Soczensem, un homme ayant évacué toute piété filiale découpa sa mère en morceaux, la fit cuire et la mangea" ».
Pise, fin des années 1280. Les conversations tournent autour d’une tour, celle de Gualandi. « La Tour de la faim". » A l’intérieur, cinq prisonniers attendent la mort. Ugolin della Gherardesca, ex-tyran sanguinaire, ses deux fils et deux petits-fils. Sans nourriture. Ugolin doit cette faveur à Ruggiero Ubaldini, l’archevêque de Pise qui l’a contré après un brillant complot. Les clés du cachot ont été jetées dans le fleuve. Paraît-il qu’Ugolin succombera le dernier, non sans avoir tenté de croquer les petits. Dante a croisé l’homme en enfer, dans le carré des traîtres. Aux dernières nouvelles, Ugolin dévorait goulûment le crâne de Ruggiero.
1294, Irlande. Petite récolte, combats de chefs, raids en Écosse. La famine dure trois ans. Pour l’année 1295, un fragment d’annales éclaire quelques carrefours « où les pauvres mangèrent des corps de pendus" ».
1295. L’Égypte, qui a ouvert le siècle, assure égale­ment la fermeture. Les crues du Nil étaient déjà déficitaires l’an passé. Dépréciation monétaire, infla­tion, absence de réserves et pénurie chez les voisins n’arrangent rien". Pour les Cairotes, 1296 démarre dans l’horreur". « Les habitants mangeaient des charo­gnes de chien et d’autres animaux, et des cadavres humains. Des mères dévoraient leurs enfants morts.
Un émir vit un jour, à la porte de sa maison, une femme, d’un extérieur agréable, qui demandait l’aumône. Touché de compassion, il la fit entrer chez lui et fut frappé de sa beauté. Il fit servir un pain rond et un vase rempli d’aliments. Elle avala tout, sans être rassasiée. Il lui fit apporter une ration semblable, qu’elle mangea encore, et continua à se plaindre de la faim. Il ne cessa de lui servir de nouveaux aliments, jusqu’à ce que son appétit fût assouvi. Bientôt après, cette femme s’appuya contre la muraille et s’endormit. Lorsqu’on voulut la remuer, on trouva qu’elle était morte. On détacha de dessus son épaule un sac, qui renfermait une main et un pied d’enfant. L’émir ayant pris avec lui ces objets, monta à la citadelle, pour les mettre sous les yeux du sultan et des émirs. » Un changement de sultan et une bonne crue hivernale détendront l’atmosphère.
XIV- SIÈCLE
1303. Près de Damas, dans un marécage, les Mame­louks tendent une embuscade à une coalition mongolo­arménienne. Ils tuent beaucoup. Les rescapés, cinq ou six mille hommes, s’enfuient vers l’Euphrate. Le fleuve déborde. Nos fugitifs tentent la traversée. Concours de noyades. « Un grand nombre, après avoir traversé le fleuve, retombaient dans une pire situation; poussés et entraînés par l’eau vers des lieux en ruine ou arides, d’où ils ne pouvaient sortir, beaucoup périrent de faim dans ces solitudes sauvages; les autres, retirant les cadavres de chiens, de chevaux ou d’hommes roulés par les flots, en faisaient servir à leur nourriture". » Ghazan, souverain des Mongols, apprend la nouvelle. Silence, il pleure.
Dans la décennie 1310, il pleut bergère de-ci de-là, en Europe. Trop, aux mauvais moments.
Angleterre, 1316. Année bien moisie, comme la précé­dente. Encore une où le pays perd ses pauvres. Notamment quelques bambins avalés par leurs parents, ceux dont par­lent les annales de Bermondsey58. Johanis de Trokelowe confirme, ajoutant une scorie « pour la postérité" » : « Les détenus en prison dévoraient sur-le-champ les nouveaux arrivants. »
Guère mieux dotée, l’Irlande. Guerre et humidité. Été 1315, l’Écossais Édouard Bruce tente de chasser les Anglais. L’année suivante, son frère aîné le roi Robert vient l’aider à assiéger un château fort, Cragfergus. La garnison anglaise résiste un peu. Les chroniques irlandaises" parlent de « huit soldats écossais capturés et mangés ». Jusqu’à la mort d’Édouard (1318), l’Irlande est écorchée. Nécrophages et tueurs cannibales jaillissent des annales". Une prime pour l’Ulster où, en

1317, certains font cuire des crânes farcis à la chair humaine.
Sur le continent, l’année 1315 semble crucifier la Lorraine. Dom Calmet, nourri de sources difficiles à ressusciter, décrit Metz. Retenons, chez les pauvres, quelques tueries familiales et un lot de pendus dérobés.
Plus à l’est encore, malaises. Riga, Osel, Dorpat et Reval paniquent en 1315. Dans ces diocèses, les chevaliers teutoniques font de leur mieux pour soulager la misère. Insuffisant, car là, « des gens mangèrent leurs enfants64 ». Ailleurs, aussi. De

1317 à 1319, la Pologne, plus particuliè­rement la Silésie, rejoint le peloton des coins fatigués : « En de nombreux endroits, les parents tuèrent et dévorèrent leurs enfants, les enfants leurs parents". » Sans oublier, bien sûr, les pendus. A l’est, rien de nouveau.
1336. Que faisait l’Inde jusqu’à présent ? On le saura bien un jour. Enfin, l’Inde entre en lice. Sur la pointe des pieds. A un ou deux ans près et à l’ouest du Gange, nous sommes au coeur d’une famine qui dure sept ans. Le voyageur Ibn Battu-ta sort son calepin66. « Des étudiants du Khorâçân m’ont raconté qu’ils entrèrent dans une ville appelée Icroûhah, entre Hânci et Sarsati, et qu’ils la trouvèrent abandonnée.
Ils s’introduisirent dans une maison pour y passer la nuit, et ils virent dans une chambre un individu qui avait allumé du feu et qui tenait avec ses doigts un pied humain; il le fit rôtir sur ce feu et le mangea. Que Dieu nous garde d’une pareille action ! »
1341-1342, Écosse. Famine et guerre, les deux font la paire. Dans son Histoire de l’Écosse, Hector Boetius accorde une place à un Écossais affamé répondant au doux nom de Tristicloke6’. Ce triste montagnard « n’hésitait pas â voler des enfants et à tuer des femmes pour dévorer leur chair, comme un loup ». La même année, les Anglais mangent du cheval, c’est dire si tout va mal.
La Chine nous sidère. Difficile de choisir parmi une trentaine d’affaires impressionnantes. Disons celle-ci, 1360. L’histoire des Yuan cite le comportement d’une femme dans la sous-préfecture de Fang-chan". Des soldats affamés ont capturé son mari « afin d’en faire un bouillon ». Cette bonne épouse, née Lieou, veut le racheter. Les soldats refusent. « La femme née Lieou dit encore : “Mon mari est maigre et petit, il ne convient pas comme nourriture. Or j’ai entendu dire que les femmes qui étaient grasses et avaient la peau noire avaient un goût excellent. Or je suis grasse et noire. Je désire que vous me fassiez bouillir afin d’éviter le mal de mon mari.” Les soldats relâchèrent alors son mari et firent bouillir la dame née Lieou. Tout ceux qui entendirent parler de cela furent remplis de compassion. »
1368 (?). Quand un chrétien en assiège un autre, les juifs bloqués intra-muros ne sont pas les mieux servis. Ici (à Tolède, étranglée par Henri de Transtamarre ?), un chroniqueur juif du Xve siècle dit qu’ils en vinrent à manger leurs enfants". L’Espagne chrétienne semble par ailleurs faire un concours de pogroms.

XVe SIÈCLE
Europe, moins de bouches à nourrir, souvenir des pestes du siècle précédent. Néanmoins, 1438. La chronique d’En­guerrand de Monstrelet nous transporte, non pas de bon­heur, mais dans la Somme où famine il y a. « En ce même temps, advint une très grande, cruelle et merveilleuse chose en un village près d’Abbeville, car une femme y fut prise et accusée d’avoir meurtri plusieurs petits enfants, lesquels avaient été démembrés et salés secrètement en sa maison [sic]. » Dénoncée par des cambrioleurs, elle avoue sa «malice ». Exécutée.
Au traité de Bayonne (1462), le roi d’Aragon Léon II engage le Roussillon à Louis XI. Une ville recrache cette tutelle, même momentanée. Perpignan. 1475, Louis XI soumet manu militari ce nid francophobe. Pendant le siègei’, quelques Perpignanais auraient fini par manger des cadavres de soldats français. Autre anecdote, un père ayant deux fils en voit mourir un et nourrit l’autre avec le cadavre. Où sont les fées ?

Le tricot

L’histoire du tricot et de sa diffusion est passionnante pour deux raisons majeures : en premier lieu, elle est assez difficile à établir car l’Histoire nous a laissé peu d’éléments pour le faire ; ensuite, le tricot n’a jamais été une nécessité absolue pour vêtir l’homme qui avait inventé depuis longtemps le tissage ! Mais la supériorité de la maille sur le tissu réside dans sa souplesse : le tricot a d’abord habillé les mollets, les têtes et les doigts, pour remplacer leur “emballage” d’époque en tissu car mieux (…)

Rouges et rouge garance

Quel rouge en reconstitution médiévale ? Dans les troupes de reconstitutions (XVe) quand le rouge est employé c’est le rouge brun qui prédomine, mais quand était-il vraiment au Moyen-Age ? Comment cette couleur était perçue par les Hommes de cette époque ?

Soldat
Martial d’Auvergne, Vigiles de Charles VII, 1484.
Notez les 3 rouges différents de cet homme d’armes

LES ROUGES

" Parler de «couleur rouge», c’est presque un pléonasme en effet! D’ailleurs, certains mots, tels coloratus en latin ou colorado en espagnol, signifient à la fois «rouge» et «coloré». En russe, krasnoï veut dire «rouge» mais aussi «beau» (étymologiquement, la place Rouge est la «belle place»). Dans le système symbolique de l’Antiquité, qui tournait autour de trois pôles, le blanc représentait l’incolore, le noir était grosso modo le sale, et le rouge était la couleur, la seule digne de ce nom. La suprématie du rouge s’est imposée à tout l’Occident.

Dans l’Antiquité déjà, on l’admire et on lui confie les attributs du pouvoir, c’est-à-dire ceux de la religion et de la guerre. Le dieu Mars, les centurions romains, certains prêtres… tous sont vêtus de rouge. Cette couleur va s’imposer parce qu’elle renvoie à deux éléments, omniprésents dans toute son histoire: le feu et le sang. On peut les considérer soit positivement soit négativement, ce qui nous donne quatre pôles autour desquels le christianisme primitif a formalisé une symbolique si forte qu’elle perdure aujourd’hui. Le rouge feu, c’est la vie, l’Esprit saint de la Pentecôte, les langues de feu régénératrices qui descendent sur les apôtres; mais c’est aussi la mort, l’enfer, les flammes de Satan qui consument et anéantissent. Le rouge sang, c’est celui versé par le Christ, la force du sauveur qui purifie et sanctifie; mais c’est aussi la chair souillée, les crimes (de sang), le péché et les impuretés des tabous bibliquesTout est ambivalent dans le monde des symboles, et particulièrement des couleurs! Chacune d’elles se dédouble en deux identités opposées. Ce qui est étonnant, c’est que, sur la longue durée, les deux faces tendent à se confondre. Les tableaux qui représentent la scène du baiser, par exemple, montrent souvent Judas et Jésus comme deux personnages presque identiques, avec les mêmes vêtements, les mêmes couleurs, comme s’ils étaient les deux pôles d’un aimant. Lisez de même l’Ancien Testament: le rouge y est associé tantôt à la faute et à l’interdit, tantôt à la puissance et à l’amour. La dualité symbolique est déjà en place.

Certains rouges vont s’identifier aux signes du pouvoir.

Dans la Rome impériale, celui que l’on fabrique avec la substance colorante du murex, un coquillage rare récolté en Méditerranée, est réservé à l’empereur et aux chefs de guerre. Au Moyen Age, cette recette de la pourpre romaine s’étant perdue (les gisements de murex sur les côtes de Palestine et d’Egypte sont de plus épuisés), on se rabat sur le kermès, ces œufs de cochenilles qui parasitent les feuilles de chênes.
La récolte est laborieuse et la fabrication très coûteuse. Mais le rouge obtenu est splendide, lumineux, solide. Les seigneurs bénéficient donc toujours d’une couleur de luxe. Les paysans, eux, peuvent recourir à la vulgaire garance, qui donne une teinte moins éclatante.
Peu importe si on ne fait pas bien la différence à l’œil nu: l’essentiel est dans la matière et dans le prix. Socialement, il y a rouge et rouge! D’ailleurs, pour l’œil médiéval, l’éclat d’un objet (son aspect mat ou brillant) prime sur sa coloration: un rouge franc sera perçu comme plus proche d’un bleu lumineux que d’un rouge délavé. Un rouge bien vif est toujours une marque de puissance, chez les laïcs comme chez les ecclésiastiques.
A partir des XIIIe et XIVe siècles, le pape, jusque-là voué au blanc, se met au rouge. Les cardinaux, également. Cela signifie que ces considérables personnages sont prêts à verser leur sang pour le Christ… Au même moment, on peint des diables rouges sur les tableaux et, dans les romans, il y a souvent un chevalier démoniaque et rouge, des armoiries à la housse de son cheval, qui défie le héros. On s’accommode très bien de cette ambivalence.

Au Moyen Age, ces codes se manifestent à travers les vêtements, l’imaginaire et la vie quotidienne !

Les codes symboliques ont des conséquences très pratiques. Prenez les teinturiers: en ville, certains d’entre eux ont une licence pour le rouge (avec l’autorisation de teindre aussi en jaune et en blanc), d’autres ont une licence pour le bleu (ils ont le droit de teindre également en vert et en noir). A Venise, Milan ou Nuremberg, les spécialistes du rouge garance ne peuvent même pas travailler le rouge kermès. On ne sort pas de sa couleur, sous peine de procès! Ceux du rouge et ceux du bleu vivent dans des rues séparées, cantonnés dans les faubourgs parce que leurs officines empuantissent tout, et ils entrent souvent en conflit violent, s’accusant réciproquement de polluer les rivières. Il faut dire que le textile est alors la seule vraie industrie de l’Europe, un enjeu majeur.

Après le Moyen-Age le rouge est mis au ban par la Réforme.

D’autant plus qu’il est la couleur des «papistes»! Pour les réformateurs protestants, le rouge est immoral. Ils se réfèrent à un passage de l’Apocalypse où saint Jean raconte comment, sur une bête venue de la mer, chevauchait la grande prostituée de Babylone vêtue d’une robe rouge. Pour Luther, Babylone, c’est Rome! Il faut donc chasser le rouge du temple - et des habits de tout bon chrétien. Cette «fuite» du rouge n’est pas sans conséquence: à partir du XVIe siècle, les hommes ne s’habillent plus en rouge (à l’exception des cardinaux et des membres de certains ordres de chevalerie). Dans les milieux catholiques, les femmes peuvent le faire. On va assister aussi à un drôle de chassé-croisé: alors qu’au Moyen Age le bleu était plutôt féminin (à cause de la Vierge) et le rouge, masculin (signe du pouvoir et de la guerre), les choses s’inversent. Désormais, le bleu devient masculin (car plus discret), le rouge part vers le féminin. On en a gardé la trace: bleu pour les bébés garçons, rose pour les filles… Le rouge restera aussi la couleur de la robe de mariée jusqu’au XIXe siècle.

Salade
Un chevalier harnaché (dét.), A Dürer , 1498.
Salade peinte en rouge avec 2 lettres blanches .

La mariée était en rouge.

Surtout chez les paysans, c’est-à-dire la grande majorité de la population d’alors. Pourquoi? Parce que, le jour du mariage, on revêt son plus beau vêtement et qu’une robe belle et riche est forcément rouge (c’est dans cette couleur que les teinturiers sont les plus performants). Dans ce domaine-là, on retrouve notre ambivalence: longtemps, les prostituées ont eu l’obligation de porter une pièce de vêtement rouge, pour que, dans la rue, les choses soient bien claires (pour la même raison, on mettra une lanterne rouge à la porte des maisons closes). Le rouge décrit les deux versants de l’amour: le divin et le péché de chair. Au fil des siècles, le rouge de l’interdit s’est aussi affirmé. Il était déjà là, dans la robe des juges et dans les gants et le capuchon du bourreau, celui qui verse le sang. Dès le XVIIIe siècle, un chiffon rouge signifie danger."

Le Petit Chaperon… rouge

" Bien sûr. Dans toutes les versions du conte (la plus ancienne date de l’an mille), la fillette est en rouge. Est-ce parce qu’on habillait ainsi les enfants pour mieux les repérer de loin, comme des historiens l’ont affirmé? Ou parce que, comme le disent certains textes anciens, l’histoire est située le jour de la Pentecôte et de la fête de l’Esprit saint, dont la couleur liturgique est le rouge? Ou encore parce que la jeune fille allait se retrouver au lit avec le loup et que le sang allait couler, thèse fournie par des psychanalystes? Je préfère pour ma part l’explication sémiologique: un enfant rouge porte un petit pot de beurre blanc à une grand-mère habillée de noir… Nous avons là les trois couleurs de base du système ancien. On les retrouve dans d’autres contes: Blanche-Neige reçoit une pomme rouge d’une sorcière noire. Le corbeau noir lâche son fromage - blanc - dont se saisit un renard rouge… C’est toujours le même code symbolique."

Michel Pastoureau ( * ) propos recueillis par Dominique Simonnet ( L’Express du 12/07/2004 )

SYMBOLISME DU ROUGE ICI ET AILLEURS

Couleur du Feu et du Sang, le rouge est “considéré comme un symbole fondamental du principe de vie avec sa force, son éclat, sa puissance”.
Étant l’attribut de Mars, dieu de la guerre, c’est une couleur masculine, donc brûlante et violente. Elle est “débordante d’une vie ardente et agitée”.
En Égypte c’est la couleur de Seth et de ce qui est maudit et nuisible. Les scribes écrivaient en rouge les notes de mauvais augure.
En Grèce elle représente “l’amour sanctificateur”, mais aussi l’innocence et la virginité.
En Inde ancienne Vishnu qui représente l’amour divin était habillé de pourpre.
A Rome, les généraux, les patriciens et empereurs étaient vêtus de rouge. Le manteau des centurions, comme celui de Saint Martin, était rouge.
De même à Constantinople le code de Justinien condamnait tout vendeur ou acheteur de tissu pourpre, réservé aux empereurs.
Pour le couronnement les rois portaient souvent le manteau rouge pourpre.
Au Moyen Age le Christ fût souvent représenté vêtu de rouge comme les prêtres ; il en reste la robe des cardinaux, la “capa magna”. En pratique, actuellement, les cardinaux ont simplement une ceinture rouge en dehors des grandes cérémonies.
Le rouge, couleur du feu et du sang, est (pour l’Église catholique) couleur de l’Esprit, “à cause des flammes de la Pentecôte”.
L’ambivalence est permanente avec cette couleur : le rouge éclatant centrifuge est diurne, mâle, tonique, incitant à l’action… le rouge sombre tout au contraire nocturne, femelle, secret et à la limite centripète. L’un entraîne, encourage, provoque, c’est le rouge des drapeaux, des enseignes, des affiches publicitaires… L’autre alerte, retient, incite à la vigilance et à la limite, inquiète : c’est le rouge des feux de circulation, la lampe rouge interdisant l’entrée d’un bloc radiologique, ou opératoire, d’un studio photographique… C’est le signal de marche de tous les appareils ménagers et autres, et le signal d’alerte du dysfonctionnement…
La culture de la garance, plante qui sert à teindre les draps en rouge, a eu une importance essentielle au Moyen Age et encore au début du XXe siècle. Le poids des élus du midi et l’agitation sociale motivèrent le choix par le gouvernement français, pour l’uniforme militaire, de pantalons rouges de sinistre mémoire, signant l’insouciance politique. Mais au Japon les conscrits portent une ceinture rouge le jour de leur départ en symbole de leur fidélité à la patrie.
En Chine et au Japon le rouge est bénéfique, donneur de vie ; il éloigne les démons, d’où les portes des enceintes des temples shintoïstes et des portes d’entrée des maisons, ainsi que des palanquins transportant les jeunes mariés. Un ruban rouge autour du poignet porte chance et protège des mauvais esprits. Autour d’une patte il protège les vaches du sorcier, les poules du renard… De même pour la maladie au Moyen Age un ruban rouge autour du cou protégeait de la peste. Au Pays de Galles la flammèche rouge protège de la fièvre et des rhumatismes. La ceinture des zouaves a la même explication.
Le rouge est matriciel : la mer Rouge relève de ce symbole, représentant le ventre où mort et vie se transmettent l’une et l’autre. Pour les alchimistes d’ailleurs, la régénération, “l’oeuvre rouge”, produit l’homme universel. C’est la couleur de la science, de la connaissance ésotérique.
En héraldique rouge “de gueule” se rapporte d’abord à la férocité et au combat, au courage que la couleur de la Légion d’honneur, reprenant la croix de Saint Louis, officialise.
L’ambivalence existe dans toutes les civilisations : le feu brûle, éclaire, brille, réchauffe, protège.
HISTOIRE ET SYMBOLISME DES COULEURS J. Peyresblanques
Collège des ophtalmologistes des Hôpitaux de France Publié dans “Les rayonnements optiques et les couleurs : faits et effets” Edition INRS (Institut National de Recherche et de Sécurité) mars 1998

LA GARANCE

Garance
invariable. Rouge vif. Fait partie du champ chromatique rouge.

Au Moyen Age, on utilise l’alizarine ( de l’arabe al’usâra) c’est-à-dire l’extrait de racine de garance, une plante herbacée pour obtenir le rouge. La culture de la garance fait la fortune de Toulouse.
Dans l’art de l’enluminure, on utilise la cochenille, c’est-à-dire un insecte dont on tire un magnifique rouge carmin. A partir du XIIème siècle, les majuscules sont systématiquement peintes en rouge carmin dans les monastères cisterciens.
.

RGB

Fidélité

Teinte

Saturation

Luminosité

EE1010

87%

25%

Forme(s)

garance

Type

nom de couleur

Accord

invariable

Étymologie

francique wratja

Champ chr.

rouge

NB : Il y a rouge garance et rouge garance, la couleur obtenue différée suivant la qualitée des racines, des régions, du travail effectuée du savoir faire etc…

http://namta.ifrance.com/medieweb/colors.htm
http://pourpre.com/

La plus connue des teintures végétales, celle que l’on utilisa le plus longtemps, et qui, de plus, donnait la couleur la plus solide, est sans conteste celle que l’on tirait de la garance. Cette plante, originaire probablement de l’Asie, fut très tôt l’objet d’une culture intensive, dont parlent Dioscoride et Pline, et le commerce la faisait parvenir dans les contrées où elle ne pouvait croître : on en a trouvé en Norvège, dans une sépulture du huitième siècle avant J.-C. ! Les noms variés qu’elle a portés, sans rapport les uns avec les autres, témoignent de cette diffusion très ancienne.

rubia Tinctora

La fin de la culture

Ce sont les progrès de la chimie qui amenèrent, au XIXe siècle, la disparition de la garance. L’alizarine, sa substance colorante, fut identifiée en 1826. Le 25 juin 1869, quelques heures avant l’Anglais Perkin, Graebe et Liebermann, deux chimistes allemands dont le premier devait venir ensuite occuper durant vingt-sept ans la chaire de chimie à Genève, firent breveter un procédé permettant de la fabriquer artificiellement. En peu d’années, le prix de revient put être réduit au point de n’atteindre plus que le dixième environ de celui de la garance naturelle, à pouvoir colorant égal ; et encore s’agissait-il d’alizarine pure, alors que le produit naturel devait d’abord être débarrassé d’autres substances colorantes, sous peine de ne pas obtenir un rouge franc. L’apparition de l’alizarine synthétique signifiait la ruine pour les producteurs de garance naturelle, qui durent se reconvertir à d’autres cultures. Alors qu’au milieu du siècle, on trouvait, par exemple, en Vaucluse, cinquante moulins a garance échelonnés d’Orange à Orgon, il n’en subsistait plus qu’un seul en 1880. A la fin du XIXe siècle, la France, à en croire la “Grande Encyclopédie”, en était déjà à importer plus de garance, si faible qu’en fût la quantité, qu’elle n’en produisait elle-même. Une tradition orale encore persistante veut que le fameux pantalon garance de l’armée française, qui datait de Louis-Philippe, et que d’ailleurs toutes les troupes ne portaient pas, n’ait dû sa survivance jusqu’en 1914 qu’au désir de faire vivre les cultivateurs. On se demande si cette version se concilie bien avec les faits exposes ci-dessus, surtout si l’on considère que l’autre région productrice, l’Alsace, n’était plus française depuis 1871. Il est beaucoup plus probable, si étonnant que cela puisse paraître, que ce drap militaire français ait été teint, durant les dernières décennies, avec de l’alizarine… allemande !

Aujourd’hui

La réputation du pantalon garance a été telle qu’elle a éclipsé d’autres uniformes qui devraient pourtant bien nous intéresser aussi : c’est de drap garance que, sous l’ancien régime, étaient revêtus non seulement les trois régiments irlandais, mais aussi et surtout les onze régiments suisses de ligne au service de France (alors que le régiment des gardes suisses, approchant le roi, portait un uniforme écarlate, plus coûteux). Napoléon, à son tour, eut quatre régiments suisses vêtus de rouge garance qui, en 1812, allèrent joncher les rives de la Duna et de la Bérézina. La Restauration, enfin, reprit l’ancienne tradition : le teint garance distinguait les quatre régiments suisses de ligne, et le rouge écarlate les deux régiments suisses de la garde. Avant de caractériser le pantalon militaire français, le rouge garance a donc été une marque distinctive des Suisses (qu’elle a d’ailleurs fait confondre plus d’une fois avec les troupes anglaises auxquelles ils étaient opposés, notamment en Sicile et en Espagne). Supprimés en France en 1830, les " Suisses rouges " subsistèrent au service des Bourbons de Naples jusqu’en 1859. Mais là, leur uniforme était rouge écarlate, et non garance.

Procédé
Les racines, une fois récoltées, étaient séchées avec soin, puis broyées et pilées, afin d’en séparer l’écorce et le bois inutile, la substance colorante étant localisée sous l’écorce dans l’aubier. C’est cette garance, plus ou moins finement pilée et blutée, qu’on livrait au commerce. Selon le degré de perfection du travail qui consistait à ôter l’écorce et les radicelles, elle était dite robée ou non robée.
Un processus très raffiné, et qu’on ne cessait d’améliorer, permettait aux teinturiers d’en composer les bains de teinture nécessaires à leur industrie. La garance ne se fixait intimement à la substance des fibres (animales ou végétales) des tissus qu’en présence de calcaire (on devait parfois ajouter de la craie) et sous l’action d’un mordant, qui était généralement l’alun. Les procédés, bien entendu, variaient selon qu’il s’agissait de soie, de laine, de coton, voire de lin. La garance faisait partie, avec le kermès et la cochenille, des matières de “grand teint” ou “bon teint”, par opposition à d’autres teintures, comme l’orseille ou le brésil, réservées au “petit teint” : il s’agissait, dans ce dernier cas, de couleurs souvent très belles, mais peu solides. Elles convenaient à des tissus dont on attendait peu de durée ou qui n’étaient pas destinées à paraître au jour : les doublures de vêtements, par exemple.

Toxicité
La propriété physiologique la plus curieuse de la racine de garance est de colorer en rouge les os des animaux qui en sont nourris, ainsi que, paraît-il, le bec et les pattes des oiseaux, particularité qui distingue déjà non seulement les mouettes du lac de Genève, mais aussi, ce qui est plus inattendu, l’aigle héraldique genevois, contrairement à toutes les règles de la nature comme du blason - il devait, en effet, s’agir de l’aigle impérial, au moins dans le principe.

Il n’était même pas nécessaire d’absorber la poudre de garance par voie buccale pour produire l’effet physiologique en question. On assura en 1850, à un Genevois de passage en Avignon, que l’on reconnaissait dans les cimetières les squelettes, colorés en rouge orange, des ouvriers des fabriques de garance ; information que nous livrons à nos archéologues, à toutes fins utiles.
La garance est une plante faiblement toxique. Des troubles digestifs mineurs et isolés peuvent apparaître lors de l’ingestion de plus d’une dizaine de baies. Le traitement est symptomatique. L’absence de symptômes, plus de 2 heures après l’ingestion d’une partie de la plante (baie, feuille, tige, fleur…) est de bon pronostic.

Baies Rubia Tinctora

Tisanes thérapeutiques pour reins et vessie. Racine de garance (rubia tinctorum) : Diurétique doux, elle fait disparaître énergiquement les obstructions du foie et de la rate. Utile pour la gravelle.
© Ces renseignements nous sont fournis par la maison Robert & Fils inc. Montréal

http://www.garance.free.frindex.html

Le rouge et le bleu

vierge et diablotins
Les couleurs du manteau et de la robe de la Vierge sont le rouge et le bleu : c’est à dire la couleur des Cieux ( l’azur ) et de la passion du Christ ( le sang ). Notons que ces deux couleurs se retrouvent présentes sur les échiquiers médiévaux et associer ces deux couleurs en blasonnant constitue un écart grave aux règles de l’héraldique. Curieusement le noir et le blanc ne forment alors qu’un contraste bien plus faible. Il n’existe à cette époque ni noirs profonds ni blancs lumineux alors que les rouges sont carmins ou purpurins tandis que les bleus sont froids et pastels. Rappelons que le rouge est également la couleur du magister [ pouvoir politique ] depuis l’empire romain et celle des robes de mariées tandis que les églises sont peintes en bleu.

http://namta.ifrance.com/medieweb/colors.htm

( * ) Michel Pastoureau est un historien médiéviste français, né le 17 juin 1947 à Paris.
Il est historien, archiviste paléographe et directeur d’études à l’École pratique des hautes études (4e section), installée à la Sorbonne, où il occupe depuis 1983 la chaire d’histoire de la symbolique occidentale. Il a publié une quarantaine d’ouvrages consacrés à l’histoire des couleurs, des animaux et des symboles

Une histoire symbolique du Moyen Âge occidental, Seuil, collection La librairie du XXIe siècle, Paris, 2004, (ISBN 2020136112).
Traité d’héraldique, Grands manuels Picard, 1979, réédité en 1993, 1997, 2003 (version revue et complétée par les travaux du domaine publiés de 1979 à 1992).
Dictionnaire des couleurs de notre temps, Bonneton, Paris, 1992. (ISBN 2862532436)
Figures de l’héraldique, Découvertes Gallimard, 1996. (ISBN 2070533654)
Bleu. Histoire d’une couleur, éditions du Seuil, 2002. version poche (ISBN 2020869918), version grand format (ISBN 2020204754)
Les animaux célèbres, Bonneton, 2001. (ISBN 2-86253-281-9)
L’étoffe du diable, une histoire des rayures et des tissus rayés, éditions du Seuil, collection Point Essais, Paris, 1991. (ISBN 2020611988)
Les emblèmes de la France, éditions Bonneton, Paris, 1998.
Le petit livre des couleurs avec Dominique Simonnet, éditions Panama, 2005 . (ISBN 2755700343)
L’hermine et le sinople, études d’héraldique médiévale, Le Léopard d’Or, Paris, 1982, (ISBN 2863770179).
La Bible et les saints avec Gaston Duchet-Suchaux, Édition Flammarion (Paris), Collection Tout l’art référence, 2006. (ISBN 2080115987)
Ours. Histoire d’un Roi Déchu, Seuil, collection La librairie du XXIe siècle, Paris, 2007. (ISBN 202021542X).
Avec préface de Michel Pastoureau :

Le Bleu, CNRS Éditions, coll. « CNRS Dictionnaires », 1998 (réimpr. 2004), 274 p. (ISBN 2271062284), par Annie Mollard-Desfour.

Les pouvoirs

Archives médiévales en Dauphiné : les pouvoirs.
Extrait des archives départemental de l’Isère

Document 1 : Diplôme de Rodolphe III, roi de Bourgogne, 24 avril 1011.
Document 2 : Hugues, évêque de Grenoble, décrit ses rapports avec les comtes. Vers 1100.
Document 3 : Diplôme de Frédéric Barberousse pour Guigues dauphin, comte de Grenoble, 13 janvier 1155 ( 1156).
Document 4 : Hommage des frères Artelier au seigneur Raymond de Mévouillon. Juin 1205.
Deuxième partie : Une principauté en construction :du delphinat de Guigues VII (1236-1269)à celui d’humbert II (1333-1349).
Document 5 : L’évêque de Grenoble et le dauphin de Viennois accordent des « libertés » aux habitants de Grenoble : 1er août 1244.
Document 6 : Recherche des droits du dauphin Guigues VI, effectuée à Moras -en-Valloire, mars 1263.
Document 7 : Diplôme arbitral de Philippe IV réglant un litige entre le duc de Bourgogne et Humbert seigneur de la Tour. Paris, février 1285 (1286)
Document 8 : confirmation du dernier acte de transport du Dauphiné au royaume de France en faveur de Charles, juillet 1349

La première période (vers 1000-1250) est caractérisée par le maintien de structures territoriales héritées de l’époque carolingienne (empire, royaume de Bourgogne, diocèses) à l’intérieur desquelles se transforme la répartition des pouvoirs. La puissance publique détenue par l’autorité royale ou impériale s’efface au profit d’une seigneurie partagée (et disputée) entre évêques, comtes et simples châtelains.

La période 1250-1349 voit l’émergence réelle et tardive de la principauté du Dauphiné. Le surnom “dalphinus” apparaît dans la famille des comtes d’Albon en 1110, mais c’est au cours du XIIIème siècle que le surnom devient titre symbolisant l’autorité comtale et il faut attendre 1285 pour que le terme de “dalphinatus” soit utilisé pour désigner la principauté. Deux dynasties delphinales tentent successivement de constituer entre Rhône, Alpes, Provence et Savoie, une entité territoriale autonome et souveraine. Cette seconde période s’achève en 1349, avec le “Transport” de la principauté au royaume de France.

Les princes capétiens qui prennent alors le titre de Dauphin (par exemple Louis II qui devint par la suite Louis XI), achèvent la construction territoriale, apaisent les relations avec les principautés limitrophes et surtout rationalisent l’administration provinciale pour en assurer l’efficacité. Jusqu’à la fin du Moyen Age, le Dauphiné se transforme en province rattachée puis pleinement intégrée au royaume de France, tout en conservant des “libertés”, des spécificités juridiques qui fondent une identité « dauphinoise ». A l’heure des guerres d’Italie, le Dauphiné sert de base arrière pour la préparation logistique des expéditions d’outre monts, et constitue une réserve en hommes (le chevalier Bayard) fidèles à la monarchie capétienne et conscients de leur identité provinciale.

Bibliographie

BLIGNY B. (dir.), L’histoire du Dauphiné, Toulouse, Privat, 1973.
Collectif, Dauphiné, France. De la principauté indépendante à la province (XIIe –XVIIIe siècles), Presses Universitaires de Grenoble, 2000.
Collectif, Regards sur mille ans d’histoire du Dauphiné, Académie delphinale, Grenoble, 2001.

Document 1 : Diplôme de Rodolphe III, roi de Bourgogne, 24 avril 1011.
Original sur parchemin, 450mm de largeur, 380 mm de hauteur.
Fonds de l’archevêché de Vienne :1G11.

«Au nom de la très Sainte et Indivise Trinité, Rodolfe, Roi par la Clémence de Dieu ; qu’il soit connu de tous les hommes, nés ou à naître, que, poussé par amour conjugal et conseillé par les grands de mon royaume, je donne à ma très chère épouse Irmengarde, la résidence royale d’Aix (1) avec les colons de ce domaine en notre propriété, pour qu’ils l’habitent et en cultivent les terres. Et je lui donne mon fisc (2) d’Annecy (3) , avec ses dépendances, ses esclaves(4) et ses servantes; et je lui donne la totalité de l’abbaye de St Pierre de Montjoux (5) et je lui donne mon fisc de Ruë (6) avec ses dépendances, ses esclaves et ses servantes, et je lui donne le château de Font(7) avec ses dépendances, et la part de la villa(8) d’Yvonand(9) qu’Henri possédait, avec ses esclaves, ses servantes et toutes ses dépendances ; je lui donne la résidence royale de Neuchâtel(10) , avec ses esclaves, servantes et toutes ses dépendances ; je lui donne Arin (11) , avec toutes ses dépendances, esclaves et servantes. Qu’elle ait le droit de posséder, de donner, de vendre, en somme de faire tout ce qu’elle voudra de ces biens. Pour que nos successeurs tiennent pour vrai et ne cassent pas ce que j’ai fait, nous avons authentifié de notre main et ordonné qu’il soit scellé de notre sceau.
Signé du seigneur Rodolfe.
Padolfe chancelier, j’ai reconnu.
Daté du 8ème jour des calendes de mai, 17ème lune, indiction…., l’an de l’Incarnation du Seigneur 1011, sous la 19ème année du règne de Rodolfe, fait à Aix.»

Au dos du texte : «Moi Hermengarde, reine, je donne à Dieu et à St Maurice de l’Eglise de Vienne, tout ce qui m’a été donné.»

NOTES
1 : Aix-Les-Bains : commune, canton, arrondissement, Chambéry.
2 : Synonyme de “villa” : désigne le domaine privé du roi.
3 : Annecy : commune, canton, arrondissement.
4 : “servus” en latin : faut-il traduire esclave ou serf?
5 : St Pierre-Au -Montjoux : district d’entremont, Vaud, CH.
6 : Ruë : district de Glâne, Fribour, CH.
7 : Font : district de Broye, Fribourg, CH.
8 : Désigne un domaine en latin.
9 : Yvonand, district d’Yverdon, Vaud, CH.
10 : Neuchâtel, CH.*
11 : “Arens” St Blaise, Neuchâtel, CH.*

*Corrigé d’aprés les aimables indications de M. Despland. Une transcription et une traduction complète sont consultables sur son site : http://archeo.toile-libre.org/

Description du sceau :
Sceau ovale de cire brune, 6458mm.
Le roi est de face, il porte une barbe, une couronne. Il est revêtu d’une tunique et d’un manteau attaché sur l’épaule droite par un fermail. Il tient dans sa main droite un sceptre terminé par un fleuron et dans sa main gauche, un bâton à l’extrémité sphérique.
En légende: « Rodulfus, pius rex ».

Suite au partage de l’empire carolingien officialisé à Verdun (843), les territoires appartenant à la Lotharingie ont pendant un siècle connu des rivalités dynastiques et parfois des périodes d’absence du pouvoir central. En 888, le marquis Rodolphe est nommé roi de Bourgogne, au cours d’une assemblée réunissant des évêques et des comtes bourguignons. Ce royaume souverain et indépendant regroupant plusieurs comtés centrés sur le Jura et le Genevois est une construction politique comparable à celles de Boson en Provence(le comte Boson est élu roi de Provence à Mantaille en Viennois en 879) , ou à celle des Robertiens,les ancêtres de Hugues Capet, en Ile de France, se place dans la tradition royale carolingienne.
Sous Rodolphe III (993-1032), le royaume atteint son extension territoriale maximale, entre les vallées de la Saône et du Rhône, les Alpes et la Méditerranée. Surnommé “le fainéant” par les chroniqueurs germaniques(Hermann de Reichnau, et Thietmar de Mersebourg) , Rodolphe III est décrit comme le jouet à la fois de l’aristocratie laïque locale et de l’empereur. Les premiers sont souvent de riches propriétaires qui échangent leur fidélité contre des charges, des pouvoirs et des terres. Ainsi, ils constituent au détriment du roi des entités territoriales, les principautés, sur lesquelles ils obtiennent ou usurpent les pouvoirs régaliens. Le roi doit paradoxalement se dépouiller de ses richesses et de sa puissance pour conserver la fidélité de ses comtes. A la mort de Rodolphe III, en 1032, en l’absence d’héritier masculin, le royaume est transféré à l’empereur Conrad le Salique. L’autorité royale s’éloigne donc, laissant aux seigneurs, aux comtes et aux évêques la réalité du pouvoir sur les hommes et sur les territoires.
Le document n’est pas dénué d’une certaine majesté : la chancellerie utilise un parchemin de qualité, une écriture caroline très ouvragée. Le roi a fait apposer son monogramme sur le modèle de celui de Charlemagne, et un sceau qui le représente avec les insignes du pouvoir royal. Le document présente un contraste entre les prétentions affichées et la réalité du pouvoir de ce roi obligé de brader ses derniers domaines pour conserver la fidélité de l’aristocratie. Il témoigne d’un temps de recomposition politique et territoriale, entre la fin de la période carolingienne et le début de la période dite “féodale”, qui vit l’émergence des seigneuries châtelaines au détriment du principe monarchique, central et étatique que les Carolingiens avaient voulu défendre en Occident.

Bibliographie:

CHEVALIER U., Regeste dauphinois, Valence, 1913.
DALAS M., Corpus des sceaux français du Moyen Age, Paris, Archives Nationales, 1991.
MARIOTTE J., Le royaume de Bourgogne et les souverains allemands du haut Moyen Age (888-1032), Mémoires de la société pour l’histoire du droit et des institutions des anciens pays bourguigons, comtois et romands, 23ème fascicule, 1962.
POUPARDIN R., Le royaume de Bourgogne (888-1038), études sur les origines du royaume d’Arles, Paris, 1907.
RIVAZ P. de, Diplomatique de Bourgogne, collection de cartulaires dauphinois, tome 6, analyse et pièces inédites publiées par U. Chevalier, Romans, 1892.

Document 2 : Hugues, évêque de Grenoble, décrit ses rapports avec les comtes. Vers 1100.
Extrait des cartulaires dits “de St Hugues”. Original sur parchemin.
Traduction dans : U. CHEVALIER, Regeste dauphinois, Tome I, p. 460, n° 2666.
ADI : IV G 36, 37, 38.

“Après l’extermination des païens, l’évêque Isarn(1) reconstitua l’Eglise de Grenoble. Ayant trouvé peu d’habitants dans son diocèse, il recruta des nobles, des gens de moyenne condition et des pauvres, en des contrées lointaines, auxquels il donna des châteaux à habiter et des terres à cultiver et sur lesquels il conserva, d’un mutuel accord, la seigneurie et des services : il posséda son diocèse à titre d’alleu, comme une terre arrachée à une nation païenne. Aucun des ancêtres des princes qui règnent dans le diocèse ne portait alors le titre de comte et l’évêque possédait sans conteste tout l’alleu, sauf ce qu’il avait voulu en donner.
Humbert(2) , successeur d’Isarn posséda tout cela en paix. Après lui, Mallein(3) devint évêque et c’est pendant sa vie que Guigues le Vieux(4) , père de Guigues le Gras(5) , commença à s’approprier injustement ce que les comtes possèdent en grenoblois, terres, servitudes, églises, condamines, jardins, de sorte que l’évêque de Grenoble n’a plus dans tout son diocèse un seul manse sous sa seigneurie exclusive. Ainsi, le comte l’a dépouillé de l’église de Saint Donat(6) , avec ses condamines, manses et la villa même. Les condamines, exploitées à la fois par des hommes du comte et par ceux de l’évêque, ont amené entre eux de fréquentes dissensions. L’évêque apprit que sa part était gaspillée par les hommes du comte. Alors, lui et ses gens le signifièrent au comte Guigues(7), fils de Guigues le Gras. Les deux seigneurs résolurent de partager les condamines. L’évêque délégua pour ce faire Guigues Convers, Guillaume Litard son cellérier, et Adon de Boucairon, mistral, qui s’adjoignirent Humbert Louvet, fils du précédent, et d’autres amis.
Le comte désigna Jean du Puy, Benoît, son bouteiller ou chevalier, Pierre Chaunais, son mistral et Bernard « Ruferius », son arrière-garde de Grenoble. Ceux-ci appelèrent Gautier Baban, et Richard de « Monte Eisut ».
Guigues Convers et les siens partagèrent d’abord deux condamines situées près de l’église St Victor de Meylan(8), séparées par le chemin qui, sortant de Meylan, rejoint la route publique qui va à Rome et à Saint Jacques. Après avoir planté des bornes, les hommes de l’évêque dirent à ceux du comte de choisir la meilleure part. Ils prirent la condamine du Nord, du côté de l’église de Biviers(9). Ensuite, les gens du comte partagèrent deux condamines de l’Orme « ad corbonam », dans la paroisse de St Ismier(10), la première échut à l’évêque, l’autre au comte. Le partage fut fidèlement observé.”

NOTES :
1 : Fin du Xème siècle.
2 : Vers 991-1025.
3 : Vers 1025-1070.
4 : Vers 1000-1070.
5 : Vers 1020-1076.
6 : Saint-Donat-Sur-L’Herbasse, Arrondissement de Valence.
7 : Vers 1050-1133.
8 : Arrondissement de Grenoble.
9 : Canton de Meylan, arrondissement de Grenoble.
10 : Ibidem.

Durant la période carolingienne, les évêques étaient à la fois conseillers du roi, soutiens et représentants de son autorité dans le diocèse, détenteurs de bénéfices et de possessions territoriales. L’effacement progressif du pouvoir royal au XIème siècle a permis aux évêques de devenir les principaux détenteurs du pouvoir local, spirituel mais aussi temporel. Dans les premières décennies du XIème siècle, les prélats doivent affronter la concurrence de potentats laïcs, seigneurs châtelains qui tentent de constituer des principautés héréditaires.
Du XIème jusqu’au milieu du XIIIème siècle, la dynastie de ceux qui depuis Guigues “le Vieux” portent le titre de comte, et à partir de Guigues IV(fin XIème-1142) sont surnommés “dauphin”, ne se distingue guère des autres familles seigneuriales. Leurs possessions sont de faible étendue, dispersées mais une certaine prééminence s’est imposée progressivement grâce à des alliances matrimoniales prestigieuses et à des liens privilégiés entretenus avec les Eglises de Grenoble et de Valence. En contrôlant la désignation de l’évêque de Grenoble (plusieurs prélats du XIème sont issus de cette famille), les Guigues sont parvenus à accroître leurs possessions et leur pouvoir au détriment de ceux du diocèse de Grenoble.
Ces usurpations de droits et ces transferts de propriété sont dénoncés dans le “cartulaire de St Hugues” ( ensemble de textes réunis au début du XIIème siècle par Hugues de Châteauneuf, évêque de Grenoble de 1080 à 1132, dans le but de sauvegarder les droits et les possessions temporelles de l’Eglise de Grenoble), qui révèle une rivalité intense entre le prince ecclésiastique et les comtes d’Albon. Cet évêque est l’un des artisans les plus zélés de la réforme grégorienne, un relais de la politique pontificale qui au tournant des XIème et XIIème cherche à étendre son autorité morale et politique à l’ensemble de l’Occident et tente de limiter les empiètements du pouvoir laïc sur les biens ecclésiastiques. Ce cartulaire témoigne de l’autorité de l’évêque et de son souci de s’imposer face à la famille des Guigues.
Le récit sur le passé du diocèse de Grenoble (préambule de la charte n° XVI) insiste sur le rôle primordial des évêques lors des incursions sarrasines (“païens”), la possession en alleu de leurs terres et le caractère récent (donc suspect) du titre de comte attribué à la famille des Guigues. De nombreux historiens ont contesté l’authenticité du document, et même la véracité des faits exposés. En l’absence d’autre source susceptible de nous éclairer, il reste permis de constater que cette version des faits aide opportunément l’évêque Hugues à imposer sa prééminence sur le comte et à justifier les restitutions de terres que le clerc exige du laïc.
La suite du document relate les négociations entre le parti épiscopal et le parti comtal, et les premiers accords de restitution partielle. Les textes nous permettent de mieux connaître une des premières étapes de la construction de la principauté delphinale, les conséquences de la mise en place de la seigneurie châtelaine dans l’ancien royaume de Bourgogne.

Bibliographie :
MANTEYER G. de, Les origines du Dauphiné de Viennois. La première race des comtes d’Albon (843-1228), Gap, 1925.
MARION J., Cartulaires de l’Eglise cathédrale de Grenoble dits cartulaires de St Hugues, Paris, 1859.

Document 3 : Diplôme de Frédéric Barberousse pour Guigues dauphin, comte de Grenoble, 13 janvier 1155 ( 1156).
ADI : B 3162

“Au nom de la sainte et indivisible Trinité, Frédéric (1) , par la clémence bienveillante de Dieu, roi des Romains,(…) nous faisons savoir à tous ceux qui sont fidèles au Christ et à notre règne, que nous concédons à notre fidèle Guigues dauphin (2) , comte de Grenoble, tous les bénéfices(3) héréditaires qu’il avait jusqu’alors possédés justement, librement et tranquillement (…) De plus, sur le conseil des princes, nous y ajoutons en bénéfice une mine d’argent qui est en notre possession à Rama(4), avec tout le profit qui peut en provenir (…). En outre, il a obtenu de notre majesté, le pouvoir (…) de fabriquer de la nouvelle monnaie, dans le village de Cesana(5), au pied du Mont-Joux, parce qu’aucune monnaie n’y était fabriquée auparavant.(…)
Ont assisté à notre donation, de nombreux princes et nobles tant d’Allemagne que d’Italie dont voici les noms : (suivent 24 noms).
Sceau du seigneur Frédéric, roi des Romains, invaincu.
Moi, Arnold, archevêque de Cologne, chancelier du royaume d’Italie, j’ai reconnu.
Fait en l’an de l’incarnation du Seigneur mille cent cinquante cinq, indiction quatrième, la troisième année de son règne. Donné au château de Rivoli, le jour des ides de janvier(6) .”

NOTES :

1 : Vers 1122-1190.
2 : Vers 1120-1162.
3 : Synonyme de fief.
4 : Aujourd’hui sur la commune de l’Argentière, canton et arrondissement de Briançon.
5 : Près de Suse, en Italie.
6 : 13 janvier 1156 selon le calendrier grégorien.

La naissance de la principauté delphinale n’aurait pu se faire sans la bienveillante neutralité des empereurs qui en demeurent les suzerains officiels de 1032 à 1349. En 1155, Frédéric, qui se rend en Italie pour son couronnement, reçoit l’hommage de Guigues dauphin, que le diplôme honore du titre de comte de Grenoble. Il obtient la confirmation de tous ses droits tenus en fief de l’empereur (roi des Romains). Frédéric lui concède en outre une mine d’argent et le droit de battre monnaie La mine de Rame est certainement déjà aux mains du dauphin, mais cette matière relève des regalia, du droit public, d’où cette concession particulière. Ce diplôme est confirmé en 1238 par Frédéric II, qui place le comte dauphin sous sa soumission directe, niant ainsi la suzeraineté de l’archevêque de Vienne, des évêques de Grenoble et de Valence. La proximité affirmée entre l’empereur et le Dauphin est depuis longtemps factice. En effet, parmi les témoins de l’acte présenté ici, on constate l’absence de tout personnage originaire de l’ancien royaume de Bourgogne, ce qui confirme la faible influence des empereurs sur la région.
En juin 1249, un nouveau diplôme de Frédéric II confirme les acquisitions de Guigues VII dans les comtés d’Embrun et de Gap, lui concède les alleux situés dans ces deux comtés ainsi que dans ceux de Vienne, d’Albon et de Grenoble. Par ces actes, la dynastie des comtes d’Albon est légitimée et reconnue tout en étant théoriquement maintenue dans la suzeraineté impériale. On peut affirmer que le règne de Guigues VII marque les véritables débuts de la principauté delphinale.

Bibliographie :
FOURNIER P., Le royaume d’Arles et de Vienne, 1138-1378, étude sur la formation territoriale de la France dans l’est et la Sud Est, Paris, Picard, 1891, 550p.

Document 4 : Hommage des frères Artelier au seigneur Raymond de Mévouillon. Juin 1205.
Copie sur parchemin. Archives départementales de l’Isère, B 3158.

« Tous tant présents qu’à venir, sachent que Ponce Artelier et ses frères, à savoir Artelier, B. Artelier, V. Artelier et Richaud Giran ont accepté du seigneur Raimond de Mévouillon(1) tout ce qu’ils possédaient dans le château(2) et dans le territoire de Curnier(3) , et de leur propre volonté, ayant joint leurs mains (à celles du seigneur), ils sont devenus les vassaux de Raimond de Mévouillon, et ils ont juré sur les Saintes Evangiles, du fond du cœur, fidélité à Raimond de Mévouillon et avec leur château contre tout homme au monde, ils devront l’aider, de guerre et de plaid.
Et Raimond de Mévouillon doit aussi les aider semblablement.
Si la seigneurie changeait, soit du fait des frères, soit du fait de Raimond de Mévouillon, elle doit être reconnue de la même façon.
Et Raimond de Mévouillon a donné à Ponce Artelier, à ses frères et à Richaud Giran leur parent, 1000 sous viennois en échange de cette seigneurie.
Ceci s’est déroulé à Buis(4), sur la place de Pierre Gide, quatre jours avant la nativité de Saint Jean Baptiste.
Furent témoins (suivent 32 noms) (…) Année de l’Incarnation du Seigneur 1205(5). »

NOTES :
1 : Canton de Séderon, arrondissement de Nyons, Drôme.
2 : Castrum : Ce terme peut désigner un village fortifié, un château ou les deux envisagés comme un ensemble : la châtellenie.
3 : Canton et arrondissement de Nyons, Drôme.
4 : Buis-Les-Baronnies?
5 : L’année commence alors le 25 mars.

A partir du XIIIème siècle, la croissance du nombre de textes témoigne de l’extension de l’usage de l’écrit, de la diffusion d’un esprit juridique d’inspiration savante, notamment en ce qui concerne la féodalité. Le contrat présenté ici concerne la baronnie de Mévouillon, qui au début du XIIIème siècle, bénéficie d’une certaine indépendance, entre les possessions des dauphins au Nord, celles des comtes de Provence au Sud et celles des comtes de Toulouse à l’Ouest. Dans cette zone de marche, les barons de Mévouillon tentent d’étendre leur influence en achetant des châteaux, des terres, voire des droits à des seigneurs plus faibles ou moins fortunés qu’eux. C’est le cas des seigneurs de Curnier qui, en échange de la somme de 1000 sous, cèdent leur château possédé jusqu’alors en alleu pour le recevoir en fief. Ce type de contrat appelé “reprise de fief” témoigne des pratiques féodales à l’époque où les potentats locaux tentent de constituer des principautés au détriment de chevaliers plus démunis. Cette politique d’achat souvent ruineuse fut parfois à l’origine de leur perte d’indépendance. En effet, dans la seconde moitié du XIIIème siècle, les barons de Mévouillon, écrasés de dettes, doivent progressivement entrer dans la vassalité du dauphin. En 1300, le château de Curnier est capté par la famille de Monteynard, qui la cède au dauphin en 1331. C’est probablement à l’occasion de l’une de ces transactions que ce texte a été recueilli puis placé dans les archives de la chambre des comptes où il se trouve encore aujourd’hui.

Le terme de féodalité, d’usage récent dans l’historiographie, désigne généralement une forme d’organisation sociale fondée sur les liens personnels entre individus (liens vassaliques). Le terme vient du mot feodum (le fief ) qui lie le vassal à son seigneur. Par extension le mot féodalité désigne la période, entre XIème et XIIIème siècles, où domine en Occident l’affaiblissement de l’autorité publique centrale, au profit de potentats locaux. Les rapports d’autorité relèvent de liens privés, entre un vassal et son seigneur ( en latin dominus, celui qui domine) et de pratiques familiales ou claniques (cérémonie de l’hommage). La féodalité s’estompe avec l’affirmation d’une autorité publique. En Dauphiné, il faut attendre la mise en place, aux XIVe et XVe siècles, de l’autorité royale pour que les différents seigneurs soient intégrés à une hiérarchie féodale et placés sous la soumission du roi-dauphin.

Au XIIIème siècle en Dauphiné, s’impose progressivement un droit féodal uniforme, largement inspiré par les juristes italiens. Le texte présenté ici a pour intérêt de décrire sommairement les étapes de la cérémonie de l’hommage ( jonction des mains, serment de fidélité, investiture) et le contenu succinct du contrat vassalique fondé sur l’aide réciproque, notamment en période de guerre. L’emploi à deux reprises de juvare (aider en latin) introduit une notion de réciprocité égalitaire entre le nouveau seigneur et ses hommes alors qu’on attend « servir » pour les vassaux. Mais l’hommage scelle ici un accord négocié qui est aussi une alliance. Il n’y a pas de réserve de fidélité à l’égard d’aucun souverain, ce qui correspond bien à la situation dans les Baronnies ; dans le royaume de France au cours du XIIIe siècle, elle devient fréquente à l’égard du roi.
Ce texte rend compte du caractère public et essentiellement oral de ces cérémonies, de l’importance de la religion, des liens familiaux, voire claniques dans les relations sociales et du caractère peu exigeant du contrat vassalique.
A cette même époque, les dauphins n’avaient pas les moyens d’imposer de fortes contraintes vassaliques. Le service féodal exigé par le seigneur est avant tout militaire. Le vassal doit aider son seigneur en cas de guerre, en échange d’une solde, mettre son ou ses châteaux à la disposition du dauphin qui s’engage en retour à le rendre en état, et à indemniser son homme en cas de dommage (perte de possessions, de matériel, paiement d’une rançon, etc.). Faute de moyens financiers et militaires, dans une région où les seigneurs alleutiers étaient nombreux, les dauphins ne sont jamais parvenus à se placer à la tête d’un réseau féodal puissamment structuré. Ainsi, en 1349, lors du Transport du Dauphiné, le Dauphin Humbert II fait rédiger les “statuts du Dauphiné” qui reconnaissent à la noblesse dauphinoise une certaine indépendance et le droit de pratiquer la guerre privée.

Bibliographie :
ESTIENNE M-P, Châteaux, villages, terroirs en Baronnies Xe-XVe siècle, Aix, 2004,
GIORDANENGO G., Vocabulaire et formulaire féodaux en Provence et en Dauphiné ( XIIème s. XIIIème s.). Structures féodales et féodalisme dans l’occident méditerranéen,
( Xème s.-XIIIème s.), Ecole Française de Rome, 1980, pp. 85-107.
GIORDANENGO G., Documents sur l’hommage en Dauphiné et en Provence ( 1157-1270), Mélanges de l’Ecole Française de Rome, Moyen Age, Temps Modernes, t. 92, Paris, 1980,
pp. 183-204.

Deuxième partie : Une principauté en construction :du delphinat de Guigues VII (1236-1269)à celui d’humbert II (1333-1349).

Si l’on se réfère à la définition qu’en a donnée Robert Fossier (Les principautés au Moyen Age,1979) , une principauté est un ensemble territorial, aux frontières longtemps floues, sur lequel une famille, une lignée enracine ses pouvoirs (politique, judiciaire, économique et militaire). Durant ce siècle, les deux dynasties qui se succèdent en Dauphiné ont cherché à structurer un territoire assez disparate et de faible rapport.
Le delphinat de Guigues VII fut marqué par un agrandissement du territoire du Dauphiné (grâce à des mariages, lors de guerres ou d’achats), par une extension de ses pouvoirs aux dépens des autres seigneurs laïcs ou ecclésiastiques (l’évêque de Grenoble par exemple), et par une lente rationalisation des structures de gouvernement.
La dynastie comtale, dite “de Bourgogne” s’éteint sans postérité à la mort de Jean 1er en 1282. Lui succède sa sœur Anne, l’épouse d’Humbert de la Tour qui devint ainsi le premier dauphin de la dynastie de la Tour (entre 1282 et 1355). Son petit fils Humbert II est considéré par les historiens comme le véritable créateur de la principauté, et en même temps, il fut celui qui “transporta” (c’est à dire qu’il le céda) le Dauphiné en faveur de Charles, petit-fils du roi de France, en 1349.
La fin du XIIIème siècle et le début du XIVème siècle sont dominés par la lente mais irrésistible progression de l’influence capétienne sur le Dauphiné, dont témoigne le « bienveillant » arbitrage de Philippe IV le Bel.
Par ailleurs, La guerre n’a pratiquement pas cessé durant toute la période (1285-1349) entre dynasties de Savoie et de Dauphiné du fait de l’enchevêtrement de leurs possessions. La question des frontières entre Savoie et Dauphiné n’est résolue qu’en 1355, c’est à dire après le Transport du Dauphiné. Ce conflit larvé a incontestablement épuisé les ressources du Dauphiné et pesé lourdement sur les finances delphinales, en déficit de façon chronique.

Document 5 : L’évêque de Grenoble et le dauphin de Viennois accordent des « libertés » aux habitants de Grenoble : 1er août 1244.
ADI IV G 48, (extraits).
D’après la traduction de J.J.A. PILOT, histoire municipale de Grenoble, p. 21.
Texte intégral publié dans : BLET A., ESMONIN E., LETONNELIER G., Le Dauphiné, recueil de textes choisis et commentés, Grenoble, 1938, n°18.

« Au nom de la très Sainte et indivisible trinité, nous faisons savoir à tous ceux, présents et à venir, qui verront la présente page, (…) que nous, Pierre(1), par la grâce de Dieu, évêque de Grenoble, et Guigues, dauphin de Viennois et comte d’Albon(2), (…), avons statué et promis, après avoir vu et touché les Saintes Evangiles, par un serment prêté en personne, pour nous et pour nos successeurs, ce qui suit :
Que tous les hommes qui habitent maintenant et qui habiteront à l’avenir dans la ville de Grenoble ou dans les faubourgs (…), c’est à dire dans le bourg au delà du pont, dépendant de la paroisse de St Laurent, jouissent d’une pleine liberté, quant aux tailles, aux exactions et à la complainte(3), (…) nous réservant les bans, nos justices, et les cens(4), sauf aussi le droit et la coutume tant de nos fiefs que de ceux de l’Eglise de Grenoble, des chevaliers et des citoyens de la même ville.
D’autre part, tous ceux qui demeureront dans la ville et dans ses faubourgs, seront tenus par serment prêté à nous évêque et à Guigues dauphin, (…) de maintenir et de défendre nos droits(…) , et si nous et nos successeurs le jugeons nécessaire pour la défense de nos biens, ils seront tenus (…) de nous suivre en armes (…). Nous aussi nous devons les défendre et les maintenir, et conserver leurs biens, soit dans la ville, soit partout ailleurs (…)
(…) à l’égard de ceux qui viennent aux foires, et aux marchés, nous mettons également leur personne et leurs biens sous notre protection, dans toute l’étendue de ces limites.(…)
Quiconque, dans l’étendue de la ville ou de son territoire, tirera contre quelqu’un, un couteau, une épée, ou un glaive, ou lèvera sur lui une masse d’armes en fer ou ferrée, soit pour le frapper, soit dans l’intention de lui causer un dommage, paiera 50 sols à la cour ; s’il ne peut point acquitter cette somme, il demeurera 50 jours en prison, dans les fers, au pain et à l’eau, après avoir donné satisfaction à la victime pour le dommage causé. (…)
Ceux qui auront vendu, avec une fausse mesure, paieront 60 sols à la cour(5); ils seront personnellement punis, au gré de la cour, s’ils ne peuvent point acquitter la somme.(…)
Ce que nous avons concédé aux recteurs(6) et à la communauté des habitants de cette ville, ainsi qu’il est contenu dans les lettres que nous leurs avons livrées, scellées de notre sceau, resté intact et en entier.
Passé à Grenoble, le jour des calendes d’août, (…)l’an du Seigneur 1244 (…) en présence des témoins (…). »

NOTES :
1 : Vers 1230-1250.
2 : Guigues VII, 1236-1269.
3 : Impôts dus par les paysans dépendant d’un seigneur.
4 : Droits, amendes, redevances en argent ou en nature que le seigneur pouvait exiger des personnes sous son pouvoir.
5 : Cour commune : depuis 1242, ce tribunal est composé d’habitants de Grenoble et de représentants de l’évêque et du dauphin. Son existence témoigne des progrès du pouvoir municipal.
6 : Depuis 1242, les bourgeois de Grenoble ont le droit d’élire quatre recteurs qui les représentent, sous le contrôle de l’évêque et du comte.

Entre le XIème et le XIIIème siècle, l’autorité de l’évêque sur la cité de Grenoble est régulièrement contestée par les comtes qui cherchent à étendre leur seigneurie sur l’ensemble de la communauté urbaine. Dans la première moitié du XIIIème siècle, les deux coseigneurs concèdent plusieurs textes (en 1226, 1242, 1244), appelés « franchises » par analogie aux chartes rédigées dans le nord de la France. En 1226, l’évêque Soffrey et le comte André dauphin accordent un affranchissement des tailles et facilitent l’admission de nouveaux habitants afin d’attirer la population dans une ville ravagée par une inondation. En 1242, suite à une insurrection communale, l’évêque Pierre et le comte Guigues doivent faire face à une association jurée de citoyens qui s’est attribuée des prérogatives judiciaires et fiscales
La communauté des habitants de la ville obtient une reconnaissance juridique, la possibilité de s’unir par serment pour créer une association d’entraide pécuniaire et de défense mutuelle ainsi que le droit de nommer quatre recteurs qui forment un conseil sans réel pouvoir, et peuvent prélever des impôts pour certaines dépenses communales. Mais la communauté n’obtient aucune indépendance et les quatre recteurs demeurent sous la surveillance du châtelain delphinal.
Le texte de 1244 reprend une grande partie de la charte de 1226, complète et corrige quelque peu la charte de 1242. Il n’est plus question d’association jurée et les citoyens doivent recourir à une cour de justice commune. Le terme de liberté employé dans ces lignes ne doit pas être pris dans son sens actuel. Il désigne la suppression d’un impôt arbitraire, la taille, pour les habitants qui habitent à l’intérieur des limites de la franchise. L’exemption fiscale n’est pas totale car les seigneurs se réservent la levée d’autres charges appelées bans, justices et cens.Le texte comporte des dispositions pénales, une garantie de protection pour les commerçants qui viennent faire des affaires.
Derrière l’apparente générosité d’une telle concession il y a en réalité la volonté de la part des deux seigneurs de garder la haute main sur la ville, en résistant aux revendications de plus en plus pressantes d’une bourgeoisie sensible au mouvement communal. En 1294, une nouvelle charte de franchise établit une co-seigneurie entre le dauphin et l’évêque, supprime les recteurs au profits de consuls, et met en place un embryon d’administration communale. C’est tardivement, à la fin du XIVème siècle que le pouvoir communal s’inscrit symboliquement, dans le paysage urbain avec la construction de la tour de l’Isle, et sur les chartes avec l’usage d’un sceau communal.
Au début du XIVème, les franchises ont été multipliées par les dauphins, qui ont par cette politique systématique, étendu leur pouvoir à de nombreuses communautés villageoises ou urbaines. Ainsi, la notion de « libertés » (privilèges juridiques, fiscaux reconnus par le pouvoir à une population, sur un territoire précisément délimité) fait son chemin en Dauphiné, préparant l’adoption par Humbert II du « Statut delphinal », qui constitue une sorte de charte de franchises attribuée à l’ensemble de ce qu’il est convenu d’appeler une principauté.

Bibliographie :
VAILLANT P., Les libertés des communautés dauphinoises (des origines au 5 janvier 1355), Paris, 1951, 677p.

Document 6 : Recherche des droits du dauphin Guigues VI, effectuée à Moras -en-Valloire, mars 1263.
ADI, B2662 fol.43-56. Probus.
Traduction d’après la transcription de V. Chomel.

" Moras(1) et son mandement(2) .
[1] En l’an du Seigneur 1263, au mois de mars, vinrent à Moras, maître Jean de Bagnols et Pierre Chauvin, enquêteurs pour le seigneur Guigues dauphin, et ils firent venir en leur présence l’ensemble de la communauté de ce mandement.
Cette communauté élit en son sein Jean Lambert tavernier, Hugues de la Meyari, W.(Guillaume ?) Bertolet, Pierre Tachet, Pierre de Partalan et d’autres parmi les meilleurs connaisseurs des droits du seigneur.

[2] Ces élus assermentés répondirent aux enquêteurs que tous les hommes de Moras sont les hommes liges du seigneur dauphin, sauf certains, qui sont les hommes liges de nobles et d’ecclésiastiques ; et tous les biens qui sont détenus ici à Moras et dans son mandement sont du fief et de la seigneurie (du dauphin), sauf certains fiefs qui sont détenus par des nobles qui les tiennent de lui.
Cependant, tous les habitants du bourg et du château de Moras, quoiqu’ils soient, fassent ou détiennent du seigneur, ne sont pas taillables(3).
Les habitants du dehors c’est à dire du mandement, qui sont hommes liges du seigneur, et aussi ceux de Saint Vallier(4) et de Saint Antoine, sont rustiques, taillables selon ce qu’ils détiennent et le seigneur ne leur fit jamais de contrat de complant en plus de la taille, cependant il possède la moisson de ces hommes ; (…)
Ils doivent aussi le chevauchée et tous, nobles et rustiques, doivent le guet ( … ) du château et du bourg. Ceux du château et du mandement doivent guetter au château et ceux du bourg doivent guetter le bourg. En plus, W (Guillaume ?) Fariolat et Pierre Docet ou son épouse Douce doivent garder particulièrement les portes du château la nuit ou bien les faire garder en y plaçant ceux qui y stockent des récoltes de blé (…)

[3] interrogés s’ils doivent au seigneur l’œuvre, la manœuvre, la corvée et la somey(5) , ils ont répondu non si ce n’est la somey, à savoir ; ceux du bourg et du château qui auraient des bêtes de somme sont tenus de les mettre à disposition une fois par an, durant un jour, avant la Nativité ; mais ceux du dehors devaient lesdites œuvre, manœuvre, et corvées, avant qu’ils ne s’installent dans la châtellenie, et du fait de leur installation dans la châtellenie, le seigneur les leur remit. Seuls ceux du mandement hors le château et hors le bourg, c’est à dire ceux de la Rivoire(6), et ceux de Saint Sorlin(7) doivent le fénage(8), au seigneur, et quiconque détient des bœufs ou un joug, (doit au seigneur) 2 sous annuels pour le foin. Ceux de la paroisse de Lens(9) et de la paroisse de Manthes(10), ayant des bœufs ou un joug (doivent) chacun 12 deniers et de ce fait, le seigneur ne doit pas leur prendre du foin, ils ne doivent pas la paille. Les pièces de bois qui sont dues au seigneur, ainsi que ceux qui les doivent sont consignées dans le livre.
En outre, le seigneur possède ici, sur le château, le bourg et sur la totalité du mandement, tous les droits de banalité et de justice, sauf ce qui regarde la maison de Mantal(11). Ce qu’il perçoit, ce sont les petits droits de banalité des revenus dans ses fiefs, et pour toutes les affaires sur les biens ou les personnes, ils se présentent devant le seigneur, son juge ou son châtelain, exceptés dans les fiefs nobles et ecclésiastiques (…), cependant, les hommes peuvent faire appel auprès du seigneur, de sa cour (de justice) ou de son châtelain.

[4] Interrogés à propos des successions des personnes mortes sans testament et sans enfants, ils répondirent que leurs biens sont à la merci du seigneur, mais que les proches du défunt doivent conserver leurs biens. Si les défunts ont fait un testament ou formulé une dernière volonté, le seigneur doit la respecter et ne pas la rompre, il est permis de ne rien lui léguer et les hommes sans enfants avaient l’habitude de lui léguer une partie de leurs biens.
Cependant si ces hommes avaient un père ou une mère, ils leur doivent la succession comme aux enfants et alors, le seigneur ne doit rien avoir de ces biens. (…).

[5] De même, interrogés sur les lods et ventes(12) , ils répondirent que le seigneur les perçoit sur tous les biens exceptés les fiefs des nobles et des ecclésiastiques : pour les ventes, il perçoit 13 deniers du vendeur et 13 deniers de l’acheteur pour les lods (…), le seigneur alberge (13) ou investit et perçoit les albergements sur tous les biens exceptés les fiefs nobles et ecclésiastiques (…).
En outre, ils disent que le seigneur possède sur chaque troupeau de moutons étrangers demeurant dans le mandement de Moras plus de deux jours, chaque année, une libre de poivre et il perçoit toujours cette livre de poivre lorsque les moutons descendent et non quand ils rentrent ; ils disent que depuis peu de temps, le montant a été allégé.

[6] Interrogés pour savoir si le seigneur a fait ici des acquisitions depuis la première enquête, ils répondirent ne pas savoir.
(…)
[8] Interrogés pour savoir si quelqu’un s’était approprié ou tenait des biens qui furent au seigneur, ils répondirent ne pas savoir. (…)
[10] De même, si une église, un clerc, ou un noble détenait quelque bien rustique, dont il dût au seigneur le cens, la taille ou une autre exaction, et qui ne fût pas perçus, ils répondirent ne pas savoir si ce n’est qu’à propos des biens de feu Guillaume de Verger mentionnés dans le livre, le seigneur y possède un cens de blé, de deniers, de poules et de poulets et d’autres usages rustiques qui ont été vendus et aliénés au seigneur Roland Bozi , à Guillaume de Saint Vallier, au seigneur Soffred et au seigneur Aquin et ils ne savent s’ils perçoivent le cens. (…)

[11] De même, interrogés sur les aventiciis, ils répondirent qu’ils sont au seigneur, sauf durant un an et un jour après qu’ils se soient installés, à moins qu’ils ne se donnent au seigneur. Ils disent que Jean Feuma, qui fut étranger, resta ici durant quatre ans et plus et ensuite, il est devenu l’homme du seigneur Aquin (…).
[12] A propos des enfants illégitimes, ils répondirent qu’ils sont dans la dépendance de qui se trouve le père.
[13] De même, (interrogés pour savoir ) qui installe les champiers ou gardiens(13) , ils répondirent qu’ils les élisent et que le seigneur les confirme.

Suit ce qui concerne l’ancien accensement.
[14] Interrogés s’il y a plus concernant l’ancien accensement, que dans le livre du seigneur qui leur a été lu, ils répondirent qu’en effet, les enfants de feu Bernard Roland (doivent) 6 deniers pour une vigne située à Januam altorn(14).
De même, Pierre fils de Jean de Serre, 2 sous 6 deniers pour un courtil situé sous la vigne du seigneur Soffred, près de la voie.
De même Guigues de Rive, 1 setier d’avoine pour un courtil situé en Ayes de Gorgia.
De même Humbert Felon au nom de son épouse Pétronille Montchanna, 6 deniers pour un courtil situé à Moylles.(…)
De même Pierre Martin de Lans, une moitié de poule pour un pré situé à proximité du courtil de Pierre de Serre (…)
Suit ce qui concerne le nouvel accensement.
En premier, André de Saint George, Piot marchand et Rossins et Meyers, (doivent) 3 sous et 6 deniers de cens pour des terres et des vignes qu’ils tiennent en Aya derrière le château.
De même, André de Serre, 6 deniers de cens pour 4 fossoirées de vigne situées derrière le château neuf. (…)
De même Peronet Rossin et Jean Cardonneranz, 1 émine d’avoine pour un bois qu’ils tiennent en Cugno Spate. (…)
De même Jacomete de Ville Neuve, 12 denier pour un essart sous Cugno Spate.
(…)
[18] De même, il faut savoir que pour une parcelle assignée dans le château neuf, entre les deux fourches du seigneur, on doit au seigneur une poule de cens, et jusqu’ici un trentaine de parcelles ont été assignées et plusieurs peuvent l’être.
[19] Il faut rappeler que le seigneur W. de la Balme et Jean Reoland ont acheté les fiefs et biens de feu le seigneur Giraud Basternay à Moras. (…).
[20] Suit ce qui concerne les oboles d’or (…) qui sont dues pour la garde ou la commande. (Suivent les noms de ceux qui doivent une obole).
[21] Suit ce qui concerne la cire de commande (…). En premier le chapelain de Saint Guillaume de Montfol, (doit) une livre de cire. (…).
[22] Cens contenus dans le livre ancien.
[23] Le comte possède à la grange de Rivoire, 40 sétérées(15) de terre en Avunda et 16 sétérées sous la Sonna et 7 sétérées en la Pelart et 9 sétérées à la maladière, ( …) En tout 184 sétérées qui peuvent valoir si elles sont accensées 40 setiers de froment et 40 setiers de seigle.
[24] De même il y a 35 faucherées de pré qui peuvent valoir annuellement, si elles sont accensées, 8 livres. De même, près de la grange, le comte possède un moulin qui peut valoir (…) 10 setiers de seigle par an.
[25] De même il y a 35 fossoirées de vigne qui peuvent valoir, si elles sont accensées, 40 sous par an, mais elles sont tenues par le grangier du comte, c’est pourquoi elles ne figurent pas avec les autres valeurs.
[26] De même le seigneur comte possède ici un moulin accensé à Jean Pépin pour la somme de 105 setiers de froment.
[27] De même, il possède ici un four (…) qui vaut 35 livres. (…).

(Hommes) libres.

[33] Le seigneur Roland est l’homme lige du comte et il tient de lui tout ce qu’il possède avec son frère, dans le château (…) la vigne du châtelar dont il doit 2 sous de cens, la parcelle bâtie du Châtelar, 15 deniers de cens, (suivent les noms de 6 hommes liges).

( Hommes) non-libres.

[40] Stéphane Meyers tient du comte 14 sétérées de terre dans le champ de Lespa et il doit 3 émines de froment au ras.
[41] Humbert, chapelain, tient du comte une sétéréees de terre et 10 fossoirées de vigne, dans la Condamine et il doit 2 setiers de froment. ( suivent les noms et déclarations de 5 tenanciers) .
[47] Le juge ecclésiastique tient du comte 3 sétérées de terre et il doit 3 setiers de froment (suivent les noms de 35 tenanciers).
(…)
[82] Les hommes de Thodure (16) sous sont la garde du comte et ils doivent 10 setiers d’avoine (suivent les déclarations des personnes ou des communautés qui sont sous la protection du seigneur et doivent le droit de garde).
(…)
[160] Somme des deniers de garde, les oboles d’or ayant été comptées, 30 sous, 6 deniers (suivent 147 déclarations, puis les sommes des redevances en nature ou en argent).

NOTES :
1 : Commune, canton du Grand Serre, Drôme.
2 : Désigne ici l’étendue de la seigneurie.
3 : Redevables de la taille, un impôt delphinal.
4 : Commune, canton, Drôme.
5 : Ouvre, manoeuvre, corvées et sommées sont des journées de travail ou de transport, dues gratuitement par le paysan à son seigneur.
6 : A Moras, commune, canton du Grand Serre, Drôme.
7 : Saint-Sorlin-en-Valloire, commune, canton du Grand Serre, Drôme.
8 : Redevance à l’origine perçue lors de la fenaison.
9 : Lens-Lestang, Commune, canton du Grand Serre, Drôme.
10 : Ibidem.
11 : Redevances perçues par le seigneur sur les ventes de biens de ses tenanciers.
12 : Type de contrat de location.
13 : Gardent le terroir au nom du seigneur.
14 : Les noms de lieu en partie latinisés lors de l’enquête qui ne sont pas précisément localisés, sont en italique.
15 : Une sétérée équivaud environ à 15 ares.
16 : Commune, canton de Roybon, Isère.

Le delphinat de Guigues VII est marqué par un agrandissement territorial et un renforcement du pouvoir qui passe par une meilleure connaissance des possessions et des revenus du Dauphin. Prenant modèle sur les comtes de Savoie et de Provence, Guigues VII lance sur ses terres des enquêteurs dont les recherches menées entre 1250 et 1267 sont compilées dans le Probus.
Ce censier est une compilation de trois enquêtes réalisées sur le domaine delphinal. Document essentiel pour connaître l’étendue et surtout le contenu de ce domaine, son administration, ses revenus, c’est également une source majeure pour faire l’histoire de la seigneurie et enfin c’est l’un des rares documents médiévaux qui éclairent un peu la vie des communautés rurales.

La première enquête menée vers 1250, concerne une trentaine de châtellenies en Grésivaudan et en Viennois. Les enquêteurs, Roland de Bozi, viguier du Briançonnais, et les notaires Simon du Vert et Guigues du Château sont aussi allés dans le Briançonnais. Leur principal souci est d’établir le contenu de la réserve seigneuriale du Dauphin (granges, terres, corvées droits…), la liste des tenures de paysans libres et non-libres, avec le nom des tenanciers, les surfaces exploitées, la nature des cultures et des redevances versées, la liste des personnes qui s’acquittent du droit de garde. L’enquête s’achève avec la récapitulation des recettes.
La seconde « inquisitio », vers 1260-1263, présente la particularité d’avoir été menée avec l’aide de témoins, mandatés par la communauté visitée ou choisis pour leur ancienneté, leur sagesse et leur connaissances des usages. Le document transcrit contient les réponses aux questions des enquêteurs sur le statut des paysans, la levée des tailles, les devoirs militaires, les corvées, droits de ban, de succession etc. La comparaison avec l’enquête précédente permet d’étudier les évolution récentes. Ces cahiers sont très précieux car ils mettent en lumière les capacités du seigneur à imposer son pouvoir tout comme les résistances de la part des paysans à reconnaître les droits du suzerain. La troisième enquête (1265-1267) complète la précédente et apporte quelques rectificatifs.
Le mandement de Moras, dont il est question ici, composé de six paroisses, fait partie du domaine delphinal depuis longtemps. Situé dans la partie viennoise du Dauphiné, dans la vallée de la Valloire, le terroir de cette seigneurie est plutôt prospère et mis en valeur depuis longtemps. Le dauphin y est le seigneur principal mais il doit partager son emprise avec d’autres seigneurs laïcs ou ecclésiastiques dont il est fait quelques allusions.
Les résultats de l’enquête permettent au Dauphin de connaître précisément ses revenus annuels, donc de prévoir un budget rationalisé. Il ressort de l’étude récente de ces documents (Falque-vert, 1997), que le Dauphin reçoit ordinairement un peu plus de 5300 livres par an, dont l’essentiel provient des vallée du Haut Dauphiné.
Ces cahiers témoignent aussi du développement de l’administration et des progrès de l’emprise du prince sur ses états, de même qu’un alourdissement de la fiscalité pour les paysans. Sous Guigues VII, dans l’ombre de la « curia comitis » s’ébauche l’institution de la chambre des comptes et une meilleure surveillance des châtelains. Guigues VII a aussi repris en mains son administration locales (mistralies), cherché à s’entourer de nobles dévoués, et d’experts juridiques.
Ces progrès substantiels ne doivent pas cacher les faiblesses de cette principauté. Le Dauphin bénéficie de revenus modestes qui le prive de toute ambition en matière politique. Son domaine reste morcelé, partagé avec d’autres seigneurs parfois plus puissants et la noblesse dauphinoise demeure largement indépendante. Pour toutes ces raisons, la principauté delphinale reste à l’état de projet.

Bibliographie :
CHOMEL V., 1964, Un censier dauphinois inédit : méthode et portée de l’édition du Probus
( ADI B 2662 ), Bulletin Philologique et Historique, Paris, Bibliothèque Nationale, 1967,
pp. 319-407.
FALQUE-VERT H., Les hommes et la montagne en Dauphiné au XIIIème siècle, PUG, 1997.
FALQUE-VERT H., Pouvoir et société en Dauphiné durant le principat de Guigues VII (1236-1269), in Dauphiné France, de la principauté indépendante à la province (XIIème-XVIIIème siècles), La pierre et l’écrit, 1997, PUG.
ROYER L., Le Probus et les enquêtes sur le domaine du Dauphin au XIIIème siècle, Bulletin de l’académie delphinale, 5ème série, tome VII, 1914, p. 373-393.

Document 7 : Diplôme arbitral de Philippe IV réglant un litige entre le duc de Bourgogne et Humbert seigneur de la Tour. Paris, février 1285 (1286)
Original parchemin, 480mm / 340mm. Sceau de majesté (cire verte) appendu sur lacs de tissu rouge et vert, diamètre de 90mm.
Archives départementales de l’ Isère : B 3612

“Nous, Philippe, par la grâce de Dieu roi des Francs, faisons savoir à tous, présents et à venir que, comme une discorde à propos du Dauphiné était intervenue entre les nobles hommes, Robert, duc de Bourgogne, notre fidèle d’une part et Humbert, seigneur de la Tour(1), pour lui et Anna son épouse, fille de Guigues, feu détenteur du Dauphiné de Viennois et du comté d’Albon d’autre part,
sur notre intervention, pour le bien de la paix, les parties se sont finalement accordées sur plusieurs questions relatives à cette discorde, (…) et nous pouvons mettre un terme aux dernières qui restent en suspens de cette façon :
sur la question du château de Coligny(2), nous prononçons la sentence qu’avant un an à partir de la réalisation des présentes, le seigneur de la Tour rende(…) au duc ou aux siens, la moitié du château que tient le comte de Savoie et d’ici là, le duc retiendra la moitié du château de Colombier(3). (…)
Sur la question du château de St André(4), du fief de la maison de Varambon(5) et de leurs dépendances, (…) que le seigneur de la Tour les rende au duc d’ici la fête de st Jean Baptiste et s’il ne le fait pas, nous voulons qu’à la place, il rende au duc le château de St Germain(6) d’une valeur équivalente.
A propos du château de St Jean de Bournay(7), nous voulons (…) que le duc le rende tout de suite au seigneur de la Tour du Pin.
A propos des châteaux de Pinet(8), de Villeneuve(9) et de la Terrasse(10), nous voulons (…) que le duc les possède pour honorer les accords avec ses vassaux. (…)
A propos du château de Marboz(11), nous disons (…) que si ce château (…) tombait entre les mains du seigneur de la Tour, du chevalier Simon de Montbéliard, ou d’un autre de ses représentants, (…)qu’il soit rendu au duc et si le seigneur de la Tour, comme il le prétend, ne peut disposer du château tenu par le comte de Savoie, nous voulons que le château soit cédé de plein droit au duc (…).
A propos de ce que le duc demandait pour les 25 000 livres tournois dépensées lors de cette affaire, nous voulons (…) que le seigneur de la Tour paie 20 000 livres tournois au duc ou à son représentant à Lyon, à savoir : 5000 livres tournois à la prochaine Chandeleur et ainsi chaque année jusqu’au complet règlement de la somme (…).
Nous voulons (…) que le renoncement complet au Dauphiné que le duc fit au seigneur de la Tour, en échange de tout ce qui précède, (…) soit observé par les vassaux et les partisans des deux parties.
Nous voulons (…) que le duc et le seigneur de la Tour, de bonne foi et en vertu des serments donnés, jouissent d’une bonne et vraie paix et concorde et qu’ils ne se querellent pas à propos des prises de guerre faites par eux ou par leurs partisans.
Nous voulons (…) qu’ils rendent (…) les captifs qu’ils détiennent, sans guerre ni dommages (…).
Nous voulons (…) qu’ils se restituent ce qu’ils ont perdu.
Au sujet de la prise du château de Montfort(12), dont le seigneur de la Tour prétend s’être débarrassé, ce que le duc conteste, nous voulons et nous ordonnons au seigneur de la Tour de punir comme il convient ceux qui ont commis cette prise (…). S’il ne le fait pas, nous nous réservons le pouvoir de les punir, quand il nous plaira, au nom de la rupture de trève observée depuis l’occupation du château de Marboz par le comte de Savoie (…).
A présent, nous gardons le pouvoir d’arbitrer et d’ordonner à ce sujet, autant de fois qu’il nous plaira. Pour que ceci demeure fermement et solidement dans le futur, nous avons fait munir les présentes lettres de notre sceau.
Fait à Paris l’an du Seigneur mille deux cent quatre vingt cinq, au mois de février.”

NOTES :
1 : La Tou-du-Pin : commune, canton, département de l’Isère.
2 : Coligny : Commune, canton, département de l’Ain.
3 : Commune, canton de la Verpillière, département de l’Isère.
4 : St André-de-Revermont : commune de Neuville/Ain, canton de Pont-d’Ain, département de l’Ain.
5 : Commune, canton de Pont-d’Ain, département de l’Ain.
6 : St Germain d’Ambérieu: commune et canton d’Ambérieu-en-Bugey, département de l’Ain.
7 : St Jean de Bournay : Commune, canton, département de l’Isère.
8 : Commune d’Eyzin-Pinet, canton de Vienne, département de l’Isère.
9 : Villeneuve-de-Marc : Commune, canton de St Jean de Bournay, département de l’Isère.
10 : Commune, canton du Touvet, département de l’Isère.
11 : Commune, canton de Coligny.
12 : Commune de Lumbin, canton de Crolles, département de l’Isère.

Description du sceau :
l’empreinte présentée est semblable à celle qui est appendue à un acte de juillet 1286 ( Arch. nat., K 36 n°4) décrit par M. Dalas( Corpus des sceaux français du Moyen Age, Paris, A.N., 1991, Tome II, p.166).

Ce sceau de majesté, associé au contre-sceau royal habituel, présente un monarque assis sur un trône orné d’avant-corps de lions. Ses pieds reposent sur un tapis rempli de quartefeuilles et surmontant une arcature. Le roi porte une couronne à trois fleurs de lys. Il est vêtu d’une dalmatique aux manches bordées d’un galon fleurdelisé, et d’un manteau pareillement galonné attaché sur l’épaule gauche par un fermoir rond. Dans sa main droite, une fleur de lys, dans sa main gauche un sceptre orné d’une fleur de lys. Le roi est représenté glabre, avec des cheveux mi-longs et bouclés.
La légende est inscrite entre un triple cercle de grènetis intérieur et un double cercle extérieur :
PHILIPPUS (2fleurs) DEI (2fleurs) GRA / TIA (fleur) FRANCORUM (2 fleurs) REX
Le contre-sceau est un écu semé de fleurs de lis, encadré de rameaux de lierre.

Cet acte arbitral de Philippe IV est aujourd’hui encore l’une des pièces les plus prestigieuses de l’important fonds médiéval de la chambre des comptes (série B).
Il termine un conflit à propos de la succession du Dauphiné, qui opposa entre 1282 et 1285, le duc de Bourgogne, le seigneur de la Tour du Pin et le comte de Savoie. Le texte se distingue par la qualité de son écriture, la solennité du sceau de majesté qui témoignent de l’efficacité conquérante de la chancellerie royale française en cette fin du XIIIème siècle.

En 1282, à la mort du Dauphin Jean 1er, deux personnes prétendent mettre la main sur le Dauphiné : Humbert, seigneur de la Tour du Pin et de Coligny, époux de la sœur de Jean, s’attribue le titre de comte et de Dauphin au nom de sa femme. Robert, duc de Bourgogne, conteste cette succession en soutenant être le plus proche parent masculin du défunt. Il fait également valoir son statut de tuteur qui lui a permis de contrôler l’administration du Dauphiné lors de la minorité de Jean. Le comte de Savoie, inquiet de voir s’installer en Dauphiné une famille rivale possessionnée en Viennois et en Revermont, se range du côté de Robert.
Le conflit débute en 1283 par de nombreuses tractations diplomatiques, visant dans chaque parti à renforcer les soutiens de la clientèle, à s’assurer des droits de passage ou d’utilisation de châteaux, à rallier des vassaux indécis. Les expéditions militaires commencent en 1284. Ce que nous en connaissons, à travers l’acte de 1286, est bien loin de l’image habituelle et chevaleresque des batailles rangées. Il s’agit de chevauchées menées en Revermont, Viennois et Grésivaudan qui donnent lieu à des prises de châteaux, de fiefs, de revenus, des captations ou achats de fidélité. Robert de Bourgogne prend les châteaux de Colombier, St Jean de Bournay. Humbert s’empare de celui de la Terrasse. En 1285, un châtelain fidèle au duc de Bourgogne envoie sept hommes d’armes pour venir en aide au château de la Terrasse. Les effectifs engagés sont assez modestes, et les pertes surtout financières. Les « cavalcades » sont entrecoupées de trêves et de projets d’accords.
Le roi des Romains, Rodolphe de Habsbourg, qui se doit d’intervenir dans ce conflit à propos d’une terre d’empire est tout d’abord partisan d’Humbert. Il se marie ensuite à la sœur de Robert et accorde à ce dernier l’investiture du Dauphiné (1284). Rodolphe, à qui manque l’autorité pour imposer un arbitrage, et la confiance des deux parties pour favoriser un accord, laisse le champ libre à un prince plus entreprenant.

Les belligérants font en 1285 appel au roi de France pour mettre un terme à la querelle. Robert de Bourgogne était le chambellan de Philippe IV au début de son règne et, après l’échec de la croisade d’Aragon, et la tentative avortée de restauration du royaume d’Arles au profit de Charles d’Anjou, le roi peut profiter de l’affaire du Dauphiné pour renforcer son influence dans cette partie de l’empire.

En Février 1285 (1286 selon le calendrier actuel), le roi de France Philippe IV fixe les termes de son arbitrage, pour mettre fin au conflit entre Robert duc de Bourgogne et Humbert seigneur de la Tour du Pin. Les châteaux détenus sont échangés, de même que les prisonniers de guerre. Humbert paiera à Robert, en compensation des dommages de guerre, la somme de 20 000 livres tournois. Mais surtout, le duc cède ses droits et laisse Humbert seul détenteur du Dauphiné, au nom de sa femme.

En échangeant le Revermont contre les droits sur le Dauphiné, Humbert légitime son ascension politique tout en regroupant ses possessions territoriales sur les Alpes du Nord. Robert de Bourgogne cède pour sa part une principauté trop éloignée. Amédée V de Savoie qui est resté en guerre jusqu’en 1287, obtient cette même année le Revermont contre quelques-unes de ses possessions bourguignonnes. Le règlement de ce conflit entraîne donc des remodelages territoriaux et politiques dans l’ancien royaume d’Arles et de Vienne.
Ce texte éclaire la mise en place de nouveaux rapports de force dans la partie occidentale de l’empire germanique. Officiellement, ce n’est pas un acte souverain, mais un arbitrage entre un duc « français », proche du roi et un prince d’empire. Philippe ne se prononce pas sur l’attribution du Dauphiné à Humbert, prudemment qualifié de seigneur de la Tour du Pin ; cependant, l’ordonnance montre les prétentions du roi de France à intervenir dans des régions où l’autorité impériale n’est plus aussi efficace. La politique qui consiste à imposer la symbolique royale ( sceau de majesté, recours au vocabulaire du suzerain, etc.) et la mise en place d’une justice d’appel précèdent le contrôle effectif d’un territoire.
L’acte de 1286 marque une étape dans l’extension progressive de l’autorité du roi de France sur le Dauphiné. En effet, depuis l’annexion du Languedoc, il était déjà le suzerain du comte de Valentinois. En 1284, Philippe avait obtenu du pape le droit de lever une décime (dans le but de financer une croisade) en France ainsi qu’en Lyonnais, Tarentaise et Viennois, malgré les protestations de Rodolphe de Habsbourg. Après 1286, les interventions capétiennes sont systématiques : un bailli royal installé à Mâcon saisit tous les prétextes pour porter plus avant la justice du roi en terre d’empire. En 1292, Philippe IV prend la cité de Lyon sous sa « garde ». Un an plus tard, Humbert se range dans la coalition capétienne qui affronte le roi d’Angleterre (lequel dispose du soutien du comte de Savoie). A la Noël 1294, le dauphin devient le vassal de Philippe IV par le système du fief-rente. Il prête hommage contre une rente de 5 000 livres moyennant le service de 200 hommes d’armes.
Ce texte marque une étape dans le rapprochement progressif du Dauphiné et du royaume de France qui a mené le dernier Dauphin, Humbert II, à « transporter » la principauté au roi en 1349. Il illustre également un aspect de la politique capétienne d’extension du Royaume.

Bibliographie :
R.-H. BAUTIER et J. SORNAY, Les sources de l’histoire économique et sociale au Moyen Age, Provence, Comtat Venaissin, Dauphiné, Etats de la maison de Savoie, 2t., Paris, 1968.
CHEVALIER U., Regeste Dauphinois, Valence, 1913.
J. FAVIER, Philippe le Bel, Fayard, 587p., 1978.
P.FOURNIER, Le royaume d’Arles et de Vienne, 1138-1378, étude sur la formation territoriale de la France dans l’est et le Sud Est, Paris, Picard, 550p., 1891.
J. RICHARD, « L’accession de la maison de la Tour au Dauphiné de Viennois, la guerre bourguignonne de 1283-1285 », Bulletin Philologique et Historique, pp. 249-263.Paris, Imprimerie nationale, pp. 249-263., 1952.
J. RICHARD, « Les ducs de Bourgogne et la formation du duché du XIème au XIVème siècle », Société des belles lettres,
Paris, 1954.
VALBONNAYS, Histoire du Dauphiné , 2 t., Genève, 1722.

Document 8 : confirmation du dernier acte de transport du Dauphiné au royaume de France en faveur de Charles, juillet 1349
Confirmation du dernier acte de transport du Dauphiné au royaume de France en faveur de Charles, fils du duc de Normandie, avec l’investiture du même par l’épée, le sceptre et la bannière du Dauphiné, juillet 1349, B 2618 registre Pilat, F°169 et suivants.
D’après la transcription de Valbonnais, Histoire du Dauphiné, Tome II, P. 601

« En nom de nostre Seigneur Jesus-Christ Amen. Sachent tuit present et avenir que en l’an d’icelluy nostre Seigneur 1349, l’indiction secunde, le XVI jour du moys de juillet, (…)Par devant nous Notaires publiques, & les tesmoins ci-dessous escripts. Noble, haut & puissant Prince Messire Humbert Dalphin de Viennois, confessa & afferma que par certaines convenances faites entre li d’une part, & tres haut & tres puissant Prince Monseigneur Philippe par la grace de Dieu Roy de France, & Mess. Jehan son ainsnez fils Duc de Normandie, & de Guienne, conte de Poitou, d’Anjou & du Mayne, & leurs genz par eaux deputez d’autre part, faites à Romans ou moys de Mars derrenierement passé, le Dalphin dessusdit avoit cessié et transporté dès lors par titre de donnoyson faite irrevocablement & sollempnellement entre vis purement & simplement & à perpetuité en Charles Monsieur filz ainsné dudit Monsieur le Duc de Normandie, le Dalphiné de Viennois, la Duchié de Champsour, le Princé de Brianczonoys, le Marquisé de Sesane, la conté de Vienne, la Conté d’Albon, la Conté de Graysivodan, la Conté d’Embrunoys, la Conté de Gapençoys, la Baronie de la Tour, la Baronie de Valboyne, la Baronie de Fucignie, la Baronie de Meullion, la Baronie de Montalban, & generalement (…) toutes ses autres terres, Contés & Baronies & autres quelcunques avecques touz leurs droitz & noblesses, vassauls & homaiges, jurisdictions hautes & basses, meres mixtes imperes, sans riens y retenir, sauf aucunes reservations par li faites contenues expressement, es lettres sur ce faites, & que dès lors ils transpourta audit Charles, saysine & proprieté pleine sanz retention aucune d’usufruit, & tous droiz et actions qui li pouvoient competer pour le temps present ou avenir, pour cause des chouses dessusdictes, & dès lors se establt et constituit possessour en nom precaire dudit Charles, de toutes les chouses dessusdites, & veult et consentit que touz les vassauls desdites terres, de quelque état que ils feussent, feissent les homaiges à quoy ils sont tenuz, & les Baillis, Chastelains & autres Officiers, Villes, Consuls, communes feissent les seremens, recognoissances & feaultez acoustumez audit Charles, & en faisant lesdiz homaiges, seremens, feautez & recognoissances audit Charles, les quitta & absoult d’iceauls dès lors, si come on dit toutes ces chouses plus plenierement apparoir par les Lettres faites sur lesdites convenances scellées des sceaulz de nosdiz seigneurs Roy, & Duc & Dauphin. Et comme pour cause de certaines chouses qui estoient encore à accomplir audir Dalphin, ledit Dalphin eust encore retenu de fait lesdites terres & parceu les fruiz jusques au jour-duy, sanz ce que ledit Charles en eust encores receu les foy et homaiges, ne apprehendé la possession corporele desdites terres. Finalement ledit Dalphin voulant accomplir & mettre à effet r&elment & de fait les convenances dessusdites selon leur teneur en la maniere qu’il estoit tenus, comme il deist les chouses qui li devoient estre faites avant l’apprehension de la possession, li estre faites & accomplies, desqueles il se tient pour bien content, & en quitte lesdiz nos Seigneurs Roy & Duc & touz ceauls à qui quittance en appartient, excepté de quatre mille florins de rente qui li sont à asseoir ou Royaume de France, & certaines confirmations du Roy nostre Seigneur, & autres chouses qui li doivent estre faites, si come l’en dit estre contenu en certaines Lettres sur ce faites, establiz en sa personne par devant nous Tabellions & les tesmoigns ci-dessous escripz, se dessaisit & devestit réelment, corporelment et defait desdiz Dalphiné, Duchié, Princié, Contez, Baronies, & toutes ses autres terres, Seigneuries & Nobleces & en saisit & vestit réelment, corporelment & de fait ledit Charles present & acceptant, pour li & ses hoirs & successeurs, present ledit Monsieur le Duc son pere & à ce consentant, & transpourta encore oudit Charles, ses hoirs, successeurs & ceauls qui auront cause de li, perpetuelment & heritablement en saisine & en proprieté plaine, ledit Dalphiné (…)
Et en signe desdites saisine & dessaisine, bailla audit Charles l’espée ancienne du Dalphiné, & la Banniere Saint George, qui sunt anciennes enseignes des Dalphins de Viennois, & un ceptre, & un anel, & veult que doresnavant ledit Charles soit tenuz & reputez en nom & en effeet vrai Dalphin de Viennois : Renonciant expressément à tout droit de saisine et de proprieté, & à touz autres droits qu’il pourrait avoir & reclamer oudit Dalphiné (…), & voult & commanda que tous ses Baillis & Chastelains & autres Officiers, Contes, Barons & autres vassauls, Nobles & non nobles, Communes, Consuls, Citéez, Villes populaires, & generalement touz les subgiez fassent, selon la forme et teneur desdites convenances, les seremens, recognoissances, & foy & homaiges audit Charles en quoy ils estoient tenuz audit Dalphin, & les en absout & quitta plainement en les faisant audit Charles, & voult & commanda que ils obeissent audit Charles comme à leur vray Seigneur & vray Dalphin, ainsi comme ils faisoient par avant & estoient tenuz audit Monsieur Humbert Dalphin & jura tenir & garder les chouses dessusdites sanz james venir encontre par quelques voye que ce soit (…).
Ces chouses furent faites à Lyon sur le Rosne, en la maison des Freres Prescheurs, en la chambre & en la presence dudit Monsieur Duc, presenz les tesmoingd à ce appellez et priez, c’est assavoir, Reverenz Peres Mess. Henry de Villars Archevesque de Lyon, Jehan de Chissé evesque de Graignoble, Jean Revol evesque d’Orenge, Jean abbé de Ferriere (…)
Et je Humbert Pilat de la Buxere Clerc de la dyocese de Graignoble, de l’autorité apostolique Impérial & Royal, ai esté present. »

Pendant longtemps l'historiographie dauphinoise a vu dans l'acte de transport du Dauphiné, la perte d'indépendance et l'échec d'une principauté causé par les actes insensés d'Humbert II. Les publications récentes ont tenté de réhabiliter l'œuvre du dernier représentant de la famille de la Tour.

Le dernier dauphin a donné à ses Etats une organisation administrative relativement structurée ( création d’un conseil delphinal entre 1337 et 1340, maintien d’un monnayage, politique d’affranchissement des communautés. Les causes de l’échec sont à chercher dans les rapports entre le dauphin et sa noblesse, qui lui rend hommage mais s’acquitte d’obligations vassaliques très légères. L’aide militaire stipendiée était donc à la charge du trésor delphinal. Depuis 1282, les affrontements incessants avec la Savoie ont eu pour conséquence un perpétuel déficit financier.
Lorsque Humbert s’installe en Dauphiné en décembre 1333, la principauté est ruinée. L’endettement n’a cessé de se confirmer. Après 1340, le Dauphin est littéralement pris à la gorge par ses créanciers. De plus à la mort de son héritier en 1335, Humbert II veut éviter au Dauphiné une succession en déshérence, ou une guerre à laquelle pourraient se livrer les parents proches du dauphin. Tous ces éléments l’ont conduit à se tourner vers les puissances féodales qui l’entouraient pour donner un avenir à sa principauté.
L’acte de 1349 est l’aboutissement de plusieurs tentatives : Dans un premier temps, le dauphin s’adresse à son oncle Robert d’Anjou, roi de Sicile et de Jérusalem, comte de Provence. En échange d’une aide financière, la dauphin cède sa principauté s’il meurt sans héritier. Puis Humbert II propose au pape Benoît XII de reprendre en fief une partie de la principauté. Entre 1338 et 1342, d’âpres négociations eurent lieu pour déterminer le montant de la compensation financière. L’échec de cette démarche fut officielle à la mort du pape.
Restait le roi de France dont les ambitions d’extension territoriale sont connues de tous. Depuis la fin du XIIIème siècle, les dauphin de la famille de la Tour subissent les assauts de la famille capétienne ( voir doc ). En 1294, Humbert 1er rend un hommage lige au roi Philippe le Bel, en échange d’un don de 10 000 livres de petits tournois et d’un fief-rente de 500 livres. Humbert doit un service d’ost de 200 hommes montés et armés en cas de guerre.
En 1343, un premier projet de traité est élaboré. Humbert, en l’absence d’héritier renonce à sa principauté au profit d’un héritier du roi de France. Mais le Dauphiné reste terre d’Empire , il ne sera pas uni au royaume et celui des princes du sang qui l’aura en charge devra porter le titre de Dauphin de Viennois ; la principauté conserve sa cohésion territoriale, ses particularisme judiciaires ( aucune cause judiciaire concernant un Dauphinois ne pourra être étudiée par un tribunal « français ». Un second traité est préparée durant l’hiver 1349 et promulgué publiquement à Romans le 30 mars. Les traités précédents sont confirmés, Humbert jure de ne plus se remarier (il entrera dans les ordres). Le Dauphiné sera donné à Charles, le fils du Duc de Normandie, le fils du roi Philippe VI. En échange, le roi donne à Humbert la somme de 100 000 florins d’or et une rente annuelle de 10 000 livres. Contrairement à ce qui a été souvent écrit le transport n’est pas une vente du Dauphiné mais une donation entre vifs.
Le 16 juillet à Lyon, eut lieu le dernier acte du transport, l’investiture du jeune Charles par remise des insignes delphinaux. Il reçut aussi le recueil des libertés franchises accordées par Humbert (cf documents suivants), et l’hommage des barons et seigneurs. Par cet acte, la couronne de France prend pied en terre d’Empire, tout en respectant la personnalité juridique de la principauté. Par ses clauses, l’acte du transport représente un véritable succès diplomatique d’Humbert II. Face au risque de disparition de la principauté ou de fusion dans une principauté voisine, le dernier dauphin est parvenu à en confier la sauvegarde à l’un des rois les plus puissants d’Occident. Le Transport ne clôt pas un chapitre, il ouvre au contraire celui qui fera du Dauphiné une province française.
Le texte est rédigé en Français, dans la pure tradition royale. A la lecture du traité on note que les deux princes sont traités à égalité en véritables souverains, pourtant, cela ne correspond pas au réel rapport de forces.

Bibliographie :
CHOMEL V., Rois de France et Dauphins de Viennois le « transport » du Dauphiné à la France, in Dauphiné France, de la principauté indépendante à la province ( XIIème – XVIIIème siècles), La Pierre et l’écrit, PUG, 1999, pp.59à 90.
GUIFFREY J.J., Histoire de la réunion du Dauphiné à la France, Paris, Académie des bibliophiles, 1868, XVI-374p., pièces justificatives.
LEMONDE A., Le temps des libertés en Dauphiné, l’intégration d’une principauté à la couronne de France (1349-1408), PUG, 2002, 437p.


L’ Ost du Dauphin, reconstitutions et animations medievales. Asso. loi 1901 J.O. du 9/03/02 n°1706 inscrite à la prefecture du Rhône.